La politique américaine et le «discours trompeur de l’Occident» attisent les tensions avec la Russie et la Chine

Interview de Jeffrey Sachs par Amy Goodman et Juan Gonzales

Amy Goodman: Politico nous apprend que l’administration Biden s’apprête à demander au Congrès d’approuver une nouvelle vente d’armes de 1,1 milliard de dollars à Taïwan, laquelle inclurait 60 missiles navals et 100 missiles air-air. Cette annonce intervient après que deux navires de guerre américains aient emprunté le détroit de Taiwan dimanche, pour la première fois depuis la visite de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, à Taiwan au début de ce mois. La Chine a condamné cette visite et a lancé des manœuvres militaires de grande envergure près de Taïwan. Entre-temps, le président Biden a annoncé la semaine dernière une nouvelle aide militaire de 3 milliards de dollars en faveur de l’Ukraine, prévue notamment pour l’achat de missiles, d’obus d’artillerie et de drones destinés à aider les forces ukrainiennes à combattre la Russie.
    
Pour commencer l’émission d’aujourd’hui, nous nous pencherons sur la politique américaine envers la Russie et la Chine. L’économiste Jeffrey Sachs, directeur du Centre pour le développement durable de l’université de Columbia, se joint à nous. Il est président du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies. Il a été conseiller de trois secrétaires généraux des Nations unies. Son dernier article est intitulé «The West’s False Narrative About Russia and China» (Le discours trompeur de l’Occident à propos de la Russie et de la Chine).
    
Son article débute par ces mots, je cite, «Le monde est au bord de la catastrophe nucléaire en grande partie à cause de l’incapacité des dirigeants politiques occidentaux à faire preuve de franchise quant aux causes de l’escalade des conflits mondiaux. L’implacable discours occidental selon lequel l’Occident est noble tandis que la Russie et la Chine sont mauvaises est simpliste et extraordinairement dangereux», écrit Jeffrey Sachs. Jeffrey Sachs, bienvenue à Democracy Now! Pourquoi ne pas reprendre la discussion à partir de là?

Jeffrey Sachs: Merci. Content d’être avec vous.

Quelle est la signification de ce qui se passe en ce moment avec tous ces conflits, avec la Russie, entre la Russie et l’Ukraine, et avec la Chine, et nécessitant une bonne compréhension de la part des Occidentaux et du monde entier?
Le point principal, Amy, est le suivant: nous ne recourons pas à la diplomatie, mais à l’armement. Cette vente annoncée à Taïwan, dont vous avez parlé ce matin, en est un autre exemple. Cela ne renforce pas la sécurité de Taïwan. Cela ne renforce pas la sécurité du monde. Cela ne renforce certainement pas la sécurité des Etats-Unis. Il y a bien longtemps que cela dure. Je pense qu’il serait judicieux de remonter une trentaine d’années en arrière. L’Union soviétique venait de s’écrouler et certains dirigeants américains se sont mis en tête que désormais seul un monde unipolaire existait, les Etats-Unis étant la seule superpuissance et que nous pouvions tout régenter. Les résultats ont été désastreux. Nous assistons maintenant à la troisième décennie de militarisation de la politique étrangère américaine. Selon une nouvelle base de données gérée par Tufts [-University], il y a eu depuis 1991 plus de 100 interventions militaires. Cela paraît vraiment incroyable. Et j’ai pu constater, au cours de mes trente années passées à travailler en Russie, en Europe centrale, en Chine et dans d’autres parties du monde, que l’approche américaine est d’abord militaire, et même souvent exclusivement militaire. Nous armons qui nous voulons. Nous appelons à l’élargissement de l’OTAN, indépendamment de ce que les autres pays considèrent comme pouvant nuire à leurs intérêts de sécurité. Nous faisons fi des intérêts sécuritaires des autres pays. Et lorsqu’ils se plaignent, nous envoyons davantage d’armements à nos alliés dans cette région. Nous partons en guerre quand nous le voulons, où nous le voulons, qu’il s’agisse de l’Afghanistan ou de l’Irak ou bien de la guerre larvée contre Assad en Syrie, un conflit aujourd’hui encore trop peu compris par le peuple américain, ou encore de la guerre en Libye. Et nous l’affirmons: «Nous sommes pacifistes. Que se passe-t-il avec la Russie et la Chine? Ils sont si belliqueux. Ils veulent déstabiliser le monde.» Et nous nous retrouvons face à de terribles confrontations.
    La guerre en Ukraine – pour terminer cette introduction – aurait pu être évitée et aurait dû l’être par la voie diplomatique. Pendant des années, le président russe Poutine a répété que l’OTAN ne devait pas s’étendre jusqu’à la mer Noire, ni jusqu’à l’Ukraine, et encore moins jusqu’à la Géorgie, qui, si l’on regarde la carte, se situe juste au bord oriental de la mer Noire. La Russie a dit: «Tout cela va nous encercler. Cela va mettre en péril notre sécurité. Ayons recours à la diplomatie.» Les Etats-Unis ont rejeté toute forme de diplomatie. J’ai essayé de contacter la Maison Blanche à la fin de 2021 – en fait, j’ai contacté la Maison Blanche et déclaré qu’il y aurait une guerre à moins que les États-Unis n’entament des pourparlers diplomatiques avec le président Poutine sur cette question de l’élargissement de l’OTAN. On m’a répondu que jamais les États-Unis n’en arriveraient là. C’était hors de question. Et c’était vraiment hors de question. Et à présent, on a une guerre, et qui est extraordinairement dangereuse. Et en Extrême-Orient, nous adoptons exactement la même tactique que celle qui a conduit à la guerre en Ukraine. Nous organisons des alliances, renforçons les stocks d’armement, calomnions la Chine, envoyons Nancy Pelosi, la Présidente de la Chambre des Représentants, à Taiwan, alors que ce que dit le gouvernement chinois, c’est: «S’il vous plaît, faites baisser la température, faites baisser les tensions.» Et nous, nous disons «Non, on ne veut pas», et nous livrons encore plus d’armements. Voilà, c’est la recette pour déclencher une nouvelle guerre. Et à mon avis, c’est terrifiant. Nous célébrons le 60e anniversaire de la crise des missiles cubains, que j’ai étudiée toute ma vie et sur laquelle j’ai écrit un livre sur ses conséquences. Nous nous dirigeons vers le précipice, et ce faisant, nous sommes remplis d’enthousiasme. Et c’est tout simplement incroyablement dangereux et irrationnel, toute cette approche de la politique étrangère américaine. Et c’est bipartisan.

Juan Gonzales: Jeffrey Sachs, je voulais vous demander – l’une des choses que vous avez mentionnée dans un récent article publié dans Consortium News est cette insistance des Etats-Unis, entrainant également l’Europe dans leur sillage, à maintenir leur hégémonie dans le monde entier à un moment où la puissance économique de l’Occident est sur le déclin. Vous mentionnez, par exemple, que les nations membres du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) représentent plus de 40 % de la population mondiale et ont un PIB supérieur à celui des nations du G7. Pourtant, leurs préoccupations et leurs intérêts sont largement ignorés ou, dans le cas de la Russie et de la Chine, on les décrit aux Américains comme des agresseurs et des partisans de l’autoritarisme, comme ceux qui sèment le trouble dans le monde.
Oui, absolument, et il est extrêmement important de nous amener à réfléchir là-dessus. Le pouvoir disproportionné du monde occidental, et surtout du monde anglo-saxon, qui a commencé avec l’Empire britannique, et s’est poursuivi au travers des Etats-Unis, dure depuis environ 250 ans, ce qui représente une période relativement brève dans l’histoire universelle. Il se trouve que, pour de multiples et passionnantes raisons, la révolution industrielle s’est d’abord produite en Angleterre. On y a inventé le moteur à vapeur, qui est probablement l’invention la plus importante de l’histoire moderne. La Grande-Bretagne est devenue une puissance militaire dominante au 19ème siècle, tout comme les Etats-Unis dans la seconde moitié du 20ème siècle. La Grande-Bretagne menait la barque. La Grande-Bretagne possédait un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Et l’Occident, c’est-à-dire les Etats-Unis et l’Europe occidentale, et donc à présent les Etats-Unis et l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon – en d’autres termes, le G7 et l’Union européenne réunis – ne représente qu’une petite partie de la population mondiale, aujourd’hui environ 10 %, un peu plus, peut-être 12,5 % si l’on ajoute le Japon à l’Europe occidentale et aux Etats-Unis. Et ça a été comme cela pendant 200 ans, à l’ère industrielle.
    Mais les temps ont changé. Et en réalité, depuis les années 1950, le reste du monde, lorsqu’il a acquis son indépendance vis-à-vis de l’impérialisme européen, a commencé à éduquer ses populations, à adapter et à innover en matière de technologies. Et voilà que cette petite partie du monde ne dirige plus vraiment le monde et n’a plus le monopole de la sagesse, du savoir, de la science ou de la technologie. Et c’est merveilleux. La connaissance et la possibilité de vivre décemment se sont répandues dans le monde entier.
    Aux Etats-Unis, cependant, il existe un ressentiment à cet égard, un profond ressentiment. Je pense qu’il y a aussi une énorme ignorance historique, car je pense que nombre de dirigeants américains n’ont aucune idée de ce qu’est l’histoire moderne. Mais ils n’apprécient pas la montée en puissance de la Chine. C’est un affront fait aux Etats-Unis. Comment la Chine ose-t-elle se développer? Ce monde est à nous! Ce siècle est le nôtre! Et donc, à partir de 2014 environ, j’ai vu, étape par étape – je l’ai observé dans tous ses détails, car c’est mon activité quotidienne – comment les Etats-Unis ont remodelé la Chine et en ont fait non pas un pays qui se remettait d’un siècle et demi de grandes difficultés, mais bien un ennemi. Et nous avons consciemment, dans le cadre de la politique étrangère américaine, commencé à dire: «Nous devons contenir la Chine. L’essor de la Chine n’est plus dans notre intérêt», comme si c’étaient les Etats-Unis qui devaient décider de la prospérité ou non de la Chine. Les Chinois ne sont pas naïfs; en fait, ils sont extraordinairement sophistiqués. Ils ont considéré tout cela exactement de la même manière que je l’avais fait. Je connais les auteurs des textes américains. Ce sont mes collègues, à Harvard ou ailleurs. J’ai été choqué lorsqu’on a commencé à mettre en pratique ce genre d’idée de contention.
    Mais le point fondamental est que l’Occident a dirigé le monde pendant une brève période, 250 ans, et en a tiré la conclusion «c’est notre droit. C’est un monde occidental. Nous sommes le G7. Nous avons le droit de déterminer qui fixe les règles du jeu.» En effet, Obama, vous savez, sur l’éventail de ce dont nous disposons en matière de politique étrangère, c’est un bon gars, et donc, il a déclaré: «Etablissons des règlements commerciaux pour la région asiatique, mais ne laissons pas la Chine les rédiger. Ce sont les Etats-Unis qui les établiront.» C’est une façon incroyablement naïve, dangereuse et dépassée de comprendre le monde. Nous, les Etats-Unis, représentons 4,2 % de la population mondiale. Nous ne dirigeons pas le monde. Nous ne sommes pas les leaders du monde. Nous sommes un pays de 4,2 % de la population dans un monde vaste et diversifié, et nous devrions apprendre à nous entendre, à jouer ensemble dans le même bac à sable de manière pacifique, sans exiger d’avoir tous les jouets. Et nous n’avons pas encore dépassé ce stade de réflexion. C’est malheureusement le cas dans nos deux partis politiques. C’est ce qui motive Mme Pelosi à se rendre à Taïwan au beau milieu de tout cela, comme si elle devait vraiment y aller pour attiser les tensions. Mais c’est l’état d’esprit selon lequel les Etats-Unis sont les maîtres.

Je voudrais revenir un peu en arrière, jusque dans les années 1990. Vous vous souvenez, j’en suis sûr, de l’énorme crash financier qui s’est produit au Mexique dans les années 1990, où l’administration Clinton avait autorisé en faveur du Mexique un renflouement de 50 milliards de dollars, lequel était en réalité destiné aux investisseurs de Wall Street. A l’époque, vous conseilliez le gouvernement russe postsoviétique, qui avait également des problèmes financiers, mais qui n’avait pu obtenir d’aide occidentale essentielle, même de la part du Fonds monétaire international. Vous avez critiqué cette situation à l’époque. J’aimerait vous entendre parler sur les différences entre la réponse des Etats-Unis à la crise mexicaine et la réponse à la crise financière russe, et quelles ont été les racines de ces divergences dans ce qui est aujourd’hui la situation en Russie.
Absolument. Et j’ai pu bénéficier d’une expérience vérifiée, car j’ai été conseiller économique à la fois pour la Pologne et pour l’Union soviétique au cours de la dernière année du président Gorbatchev et pour le président Eltsine au cours des deux premières années de l’indépendance de la Russie, en 1992 et 1993. Mon travail consistait à aider la Russie à trouver un moyen de faire face, comme vous l’avez décrit, à une gigantesque crise financière. Et ma recommandation de base en Pologne, puis en Union soviétique et en Russie, était la suivante: pour éviter une crise sociétale et une crise géopolitique, le monde occidental riche devrait aider à atténuer cette extraordinaire crise financière qui s’est produite avec l’effondrement de l’ancienne Union soviétique.
    Bien, mais il est intéressant de noter que dans le cas de la Pologne, j’ai fait une série de recommandations très spécifiques, et elles ont toutes été acceptées par le gouvernement américain – créer un fonds de stabilisation, effacer une partie des dettes de la Pologne, autoriser toutes sortes de manipulations financières pour sortir la Pologne de ses difficultés. Et là, vous savez, je me suis auto-congratulé. «Oh, mais regardez-moi ça!» J’avais préconisé des mesures, et l’une d’entre elles, pour un milliard de dollars – un fonds de stabilisation – a été acceptée dans les huit heures par la Maison Blanche. Donc, j’ai pensé, «Pas mal du tout.» Ensuite il y a eu une demande analogue de la part de Gorbatchev, dans les derniers jours de sa présidence, puis d’Eltsine. Tout ce que j’avais proposé, qui reposait sur la même base de dynamique économique, a été rejeté en bloc par la Maison Blanche. A l’époque, je n’ai vraiment pas compris, je vous assure. J’ai dit, «Mais ça a marché en Pologne.» Et ils me fixaient d’un regard absent. En fait, un secrétaire d’Etat par intérim a déclaré en 1992: «Professeur Sachs, peu importe que je sois d’accord ou non avec vous. Cela ne se produira pas.»
    En fait cela m’a vraiment pris un certain temps pour en comprendre la géopolitique sous-jacente. C’était exactement l’époque de Cheney, Wolfowitz et Rumsfeld et de ce qui est devenu le Projet pour le Nouveau Siècle Américain, c’est-à-dire en faveur du maintien de l’hégémonie américaine. Je ne m’en suis pas rendu compte à ce moment-là, car je réfléchissais, en tant qu’économiste, à la manière d’aider à surmonter une crise financière. Cependant, la politique unipolaire était en train de prendre forme, et elle était dévastatrice. Bien sûr, elle a laissé la Russie en proie à une crise financière massive qui a engendré une forte instabilité, laquelle a elle-même eu des répercussions sur les années à venir.
    Mais bien plus encore, ce que ces gens planifiaient, dès le début, malgré les promesses explicites faites à Gorbatchev et Eltsine, c’était l’expansion de l’OTAN. Et Clinton a entamé l’expansion de l’OTAN avec les trois pays d’Europe centrale – la Pologne, la Hongrie et la République tchèque – puis George W. Bush Jr. y a rajouté sept pays – la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et les trois Etats baltes – mais pile en face de la Russie. Et puis, en 2008, est venu le final, l’insistance des Etats-Unis, malgré l’opposition privée des dirigeants européens – les dirigeants européens m’en ont parlé en privé à l’époque.
    Mais en 2008, Bush a déclaré que l’OTAN s’étendrait jusqu’en Ukraine et en Géorgie. Et là encore, si vous sortez une carte et que vous considérez la mer Noire, l’objectif explicite était d’encercler la Russie en mer Noire. Au fait, c’est une vieille rengaine, la même que celle de Palmerston entre 1853 et 1856 pendant la première guerre de Crimée: encercler la Russie en mer Noire, lui couper la possibilité d’avoir une présence militaire et de déployer une quelconque influence en Méditerranée orientale. Brzezinski lui-même a déclaré en 1997 que l’Ukraine serait le pivot géographique de l’Eurasie.
    Donc, ce que ces néoconservateurs étaient en train de faire au début des années 1990, c’était la création du monde unipolaire des Etats-Unis. Et déjà à l’époque ils planifiaient nombre de conflits afin d’éliminer les anciens pays alliés de l’Union soviétique – des conflits pour renverser Saddam, des conflits pour renverser Assad, des conflits pour renverser Kadhafi. Tout cela s’est déroulé au cours des 20 années suivantes. Elles ont été un désastre absolu, une débâcle pour ces pays, une horreur pour les Etats-Unis, des milliers de milliards de dollars gaspillés. Mais il y avait un plan. Et ce plan néoconservateur est actuellement à son apogée sur deux fronts: en Ukraine et dans le détroit de Taiwan. Et c’est extraordinairement dangereux, ce que ces gens font à la politique étrangère américaine, qui n’est pas, comme vous le savez, une politique de démocratie. C’est la politique d’un petit groupe qui se fait du monde une idée unipolaire et de l’hégémonie américaine la seule voie à suivre.

Amy Goodman: Jeffrey Sachs, nous n’avons pas beaucoup de temps, mais comme il s’agit d’un sujet très important – Naomi Klein s’en est pris à vous dans The Shock Doctrine, en parlant de votre fameuse préconisation de la thérapie de choc. Pouvez-vous établir une ligne directrice entre ce qui s’est passé lors de la débâcle de l’économie russe et les conditions qui ont conduit à l’invasion de l’Ukraine? Je veux dire, comment la catastrophe économique qui a suivi l’effondrement de l’Union soviétique a-t-elle conduit à la montée de la classe oligarchique et, en fait, à la présidence de Vladimir Poutine?
Oui, j’ai essayé d’expliquer à Naomi, que j’admire beaucoup, que ce que j’avais recommandé depuis des années était une aide financière pour ces pays – que ce soit pour la Pologne, l’Union soviétique ou la Russie. J’étais absolument horrifié par les combines, la corruption et les pots-de-vin. Je l’ai dit très explicitement à l’époque et j’ai démissionné, à la fois parce qu’il était inutile d’essayer d’obtenir une aide occidentale et parce que je n’aimais pas du tout ce qui était en train de se passer. Et je dirais que l’échec d’une approche méthodique, celle qui a réussi en Pologne mais qui a échoué dans l’ancienne Union soviétique parce qu’il n’y avait pas d’engagement constructif de la part de l’Occident, a certainement joué un rôle dans l’instabilité des années 1990, a certainement joué un rôle dans la montée de la classe oligarchique. En fait, je ne cessais d’expliquer aux Etats-Unis, au FMI et à la Banque mondiale, en 1994 et 1995, ce qui se passait. Mais ils s’en fichaient, parce qu’ils pensaient: «OK, on a compris. Peut-être que tout ça va finir dans la poche d’Eltsine», toutes ces escroqueries dans le cadre du programme «prêts contre actions». Cela dit, je pense qu’il est important de préciser, qu’il n’y a pas de déterminisme linéaire, même à partir d’événements comme ceux-là, qui étaient déstabilisants, très désagréables et inutiles, pour en arriver à ce qui est à présent en train de se produire, parce que lorsque le président Poutine est arrivé au pouvoir, il n’était pas anti-européen, il n’était pas anti-américain. Ce qu’il a vu, cependant, c’est l’incroyable arrogance des États-Unis, l’expansion de l’OTAN, les guerres en Irak, la guerre cachée en Syrie, la guerre en Libye, en dépit de la résolution de l’ONU. Donc, la plupart des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui ont été créés par notre propre incompétence et notre arrogance. Il n’y a pas eu de détermination linéaire. C’est l’arrogance des Etats-Unis, étape par étape, qui a contribué à nous amener là où nous sommes aujourd’hui.        •

1https://www.politico.com/news/2022/08/29/biden-taiwan-arms-sales-congress-00054126 .
Politico est un journal américain. Fondé en 2007 aux Etats-Unis, il est devenu, selon Wikipedia, l'un des principaux médias de la vie politique de Washington. Il paraît cinq fois par semaine pendant les sessions du Congrès, et une fois par semaine le reste du temps. Depuis 2015, une édition européenne est publiée à Bruxelles. 2021 Vente de Politico et de Politico Europe au groupe de médias Axel Springer. (NDLR)
Source: Democracy now. www.youtube.com/watch du 30/08/22
(Traduction Horizons et débats)

La même désinformation s’est produite vis-à-vis de la Syrie. La presse occidentale est pleine de récriminations à l’encontre de l’assistance militaire apportée à partir de 2015 par le président russe Vladimir Poutine à Bachar el-Assad en Syrie, mais elle oublie de mentionner que les États-Unis ont soutenu le renversement d’el-Assad à partir de 2011, la C.I.A. ayant financé une opération majeure (Timber Sycamore*) pour renverser Assad des années avant l’arrivée de la Russie.

*[Timber Sycamore: Nom de l’opération secrète de la CIA visant à former et à armer les rebelles syriens dits modérés.]
Sachs, Jeffrey. “The Western Narrative on Russia & China.” In Consortium News du 24 août 2022; consortiumnews.com/2022/08/24/the-western-narrative-on-russia-china/

 

Notre site web utilise des cookies afin de pouvoir améliorer notre page en permanence et vous offrir une expérience optimale en tant que visiteurs. En continuant à consulter ce site web, vous déclarez accepter l’utilisation de cookies. Vous trouverez de plus amples informations concernant les cookies dans notre déclaration de protection des données.

Si vous désirez interdire l’utilisation de cookies, par ex. par le biais de Google Analytics, vous pouvez installer ce dernier au moyen des modules complémentaires du présent navigateur.

OK