Ces jours-ci, notre engagement continuel pour la sécurité de ravitaillement de la Suisse et ses habitants nécessite notre engagement déterminé pour la neutralité intégrale de la Suisse.
Cependant, cette nécessité se heurte au fait que la neutralité suisse est de plus en plus contestée. Il existe des partis résolument bellicistes essayant de stigmatiser, dans un conflit, la position neutre. Ils la font passer pour une présumée «aide à un parti adversaire», reproches attaquant directement la neutralité globale suisse.
Si on s’en prend aux déclarations de la Croix Rouge, déclarations décidément divergentes de celles divulguées par un parti belliciste, on se trouve donc au milieu d’une guerre de propagande, visant également la neutralité, notamment la nôtre, celle de la Suisse.
Attaque contre un fondement
du concept de l’Etat
Actuellement, on ne s’en prend pas à la Suisse en tant qu’Etat agressé mais surtout à un pilier étatique suisse. La non-participation est assimilée à un soutien de l’agresseur.
En éffet, généralement toute partie en guerre détourne les antécédents du conflit armé ainsi que le droit vers son côté afin que l’adversaire soit le coupable. C’est la perspective officielle répandue par tout parti engagé dans une guerre.
Le neutre, par contre, n’est pas soumis à la perspective d’un parti en guerre. Il peut et doit considérer le conflit sous plusieurs angles. Ce qui le met dans l’avantage d’une vue plus complète sur le conflit et les facteurs l’ayant engendré, éléments historiques propres aux partis engagés dans la guerre voulant précisément les dissimuler.
Il en résulte que la position neutre est supérieure à la perspective partisane. Elle est plus proche des réalités en lui permettant de repérer des voies autres et diverses .
Naturellement, c’est un fait que les partis puissants, conscients de leur suprématie, n’attendent pas les solutions du conflits issues du camp neutre. C’est pourquoi ils ont tendance à considérer la position neutre comme superflue.
Quant à la Suisse par contre, face à son histoire et sa position dans le monde, la neutralité intégrale est toutefois indispensable.
C’est pour cette raison qu’au cours de l’année, le 29 novembre 2022, nous avons réalisé un symposium concernant la neutralité suisse, notamment par rapport au sujet de la sécurité de ravitaillement que l’Etat est censé garantir à la population. Le fait que la Guerre du Sonderbund suisse ait pris fin, il y a 175 ans, exactement à cette date, le 29 novembre 1847, n’est pas purement fortuit. Ce dernier conflit armé entre les Suisses eux-mêmes nous rappelle que, dans l’histoire des 700 ans d’existence de la Confédération Suisse, le lien entre la neutralité et la capacité de contribuer activement aux processus de paix, internes et externes, ainsi que de les encourager, sont intimement liés.
La Suisse a conquis son statut de neutralité intégrale avec persévérance, allant de pair avec celle qui était la racine de son développement économique étonnant à partir de bases très modestes, tout cela en tant que petit Etat au milieu de l’Europe. La Suisse en tant qu’entité politique et démocratie stable, avec la capacité éprouvée de garantir à ses habitants sa propre économie, ouverte au marché mondial, est le résultat d’un processus politique intensif de dévelopement de la culture. Cette évolution et ses résultats prennent tout leur poids face à notre actualité, notamment vues leur faillances inquiétantes dans les développements européens.
L’an fatidique de 2014:
la contribution de la Suisse neutre au sein de l’OSCE
En 2014 déjà, la proposition de la Suisse pour sécuriser la situation en Ukraine a été combattue à tort par un des partis engagés dans la guerre. A cause de sa position neutre, la Suisse se trouvait de plus en plus dans le collimateur d’un tir de calomnies et de harcèlement massif. En 2014, suite aux évennements en Ukraine (tir massif d’une partie de sa propre population) avait été perpétré un crime de guerre. Cette situation (négociations et décisions) ont abouti à l’accord de Minsk.
Dans ce processus, la Suisse neutre a joué un rôle important, notamment par sa proposition de «cantonalisation» des provinces de l’Ukraine de l’Est. Mais au lieu d'être réalisée, cette solution a été réfutée par les Etats-Unis.
Après coup, les signataires du côté occidental se sont même vantés d’avoir signé le traité de Minsk pour le seul motif de gagner du temps en vue de l’armement militaire de l’Ukraine contre la Russie.
Le développement d’un conflit
international et le point de vue neutre
La neutralité exige une observation attentive et permanente du développement des conflits. La neutralité est tout autre que le «retrait opportuniste dans une niche politique» de la part d’un Etat «autosuffisant» – comme on le lui reproche aujourd’hui pour le forcer à y renoncer. D’après les concepts américains, leur «coalition de bonne volonté» ne tolère que le rattachement inconditionnel au parti de guerre dominant tout en diabolisant l’attitude neutre. Car l’attitude neutre, motivée par la quête de sorties de l’irresponsabilité de la guerre, repose sur l’idée de base des vrais libéraux. En éffet seule la compréhension réelle des processus de conflit permet de s’émanciper de l'état de dépendance intellectuelle dans laquelle le parti belliciste essaie de nous garder! La position neutre permet un dépistage précoce de débordements de violence de certains acteurs avant que le conflit éclate. C’est aussi l’idée fondamentale de l’OSCE: maintenir, après la dissolution du Pacte de Varsovie, l’ordre européen et le tenir en équilibre afin qu’ aucun participant se sente menacé!
Cet acquis de l’OSCE comme dividende de paix n’a jamais intéressé les Etats-Unis. En 1993 déjà, l’état-major suisse s’est rendu compte que, si les Etats-Unis, par le biais de l’OTAN, continuent à installer leurs infrastructures militaires en Pologne et en Roumanie (ces dernières dirigées vers l’Est), un conflit avec la Russie sera inévitable. A l’époque, les Etats-Unis ont prétendu que leurs bases de missiles en Europe de l’Est servaient à les défendre contre ceux érigées à l’Iran. A la suite du coup d’Etat à Kiev et défaillance à la parole d’honneur (adoptés dans la convention du 21 février 2014) à réaliser les élections démocratiques en les annulant par le coup d’Etat, la Russie a occupé la Crimée en 2014, une Crimée (sous administratoion ukrainenne!) qui s’est vue ajouter au réseau des 800 bases militaires entretenues par les Etats-Unis partout sur le globe. Lors de l’occupation du Kosovo et de l’aménagement de la base militaire américaine Bondsteel, la déontologie de l’OSCE a déjà été rompue rendant évidente son incapacité à imposer ses propres accords.
Sous la protection de ce genre d’«ordre basé sur les règles», en réalité basé sur tout sauf sur la loi internationale en vigueur, et dans le but d’une expansion l’OTAN vers l’Est, ses instigateurs se sont servis de conflits ethniques, religieux et économiques pour imposer des conflits à partir de l’extérieur.
En 2012, les championnats européens de football eurent eu lieu dans plusieurs villes de Pologne et d’Ukraine. Et à peine deux ans plus tard, en 2014, l’armée ukrainienne a détruit l’objet majeure de la fierté de la population, l’aéroport de Donezk, déclenchant ainsi sa terreur sans cesse au sein de la population russophone en Ukraine de l’Est, manifestant sa volonté et sa force destructives. A l’encontre des accords – soussignés par l’Allemagne aussi – les élections n’eurent pas eu lieu, le gouvernement élu légitimement à Kiev a été renversé et un gouvernement illégitime a été mis en place. Avec la violence et des crimes perpétrés dans le contexte du Maïdan, non élucidés jusqu’à présent, le peuple et le Parlement ont été terrorisés, les structures de commande dans l’armée ont été changées et toute opposition politique interdite. Kiev a édicté des décrets interdisant l’usage de sa propre langue à la population parlant russe et en interrompant les prestations sociales dans les provinces de l’est, mesures de violence ayant abouti au climat de terreur criminelle régnant. Tout cela a été accompagné de tirs ciblés sur les zones d’habitation des concitoyens par l’armée d’état ukrainienne.
Légitime défense imposée
Les reproches à l’égard de la Russie d’avoir occupé la Crimée existent. Mais de quel droit l’armée et le gouvernement ukrainien peuvent-t-ils tirer sur des lotissements d’habitation de leur propre population, pendant des années et engendrant la mort de 13000 êtres humains?
Dans ce contexte, ces actions du gouvernement et de l’armée ukrainiens constituent des crimes de guerre, de même qu’avec le recours à ce genre de terreur d’Etat, l’Ukraine a incontestablement défié la Russie de protéger la population proche d’elle culturellement. Ces provocations durables et ciblées ont finalement conduit à l’ intervention militaire de l’armée russe dans le territoire ukrainien. Dans ce contexte, il faut noter que cette intervention s’est produite après d’urgentes sommations de la Russie aux Etats-Unis à révéler les véritables intentions liées à l’armement de l’Ukraine et le but du rassemblement de troupes d’insurgés aux frontières des provinces de l’Est. La Russie a aussi demandé aux Etats Unies de participer enfin à la quête d’une solution par la voie des négociations. Cette requête urgente de la Russie, faite fin 2021, n’a jamais trouvé de réponse de la part des Etats-Unis! Or l’auto-défense ainsi imposée à la Russie par l’alliance des Etats-Unis, l’OTAN et l’UE, constituerait pour leurs gouvernement un fait plus sérieux que de couvrir des zones d’habitation civile de tirs systématiques et d’armes lourdes. Car c’est ainsi que l’armée ukrainienne a traité une partie de son propre pays et ses habitants, et ceci pendant des années.
Aujourd’hui, un débat est soulevé au sujet de la guerre menée en réalité par les Etats-Unis et la Grande Bretagne contre la Russie sur le territoire de l’Ukraine. Les uns disent que c’est la faute à la Russie – plus exactement que sa faute résiderait dans la violation de la frontière ukrainienne par l’avancée de la Russie, le 24 février 2022. Les antécédents du conflit, résumés ci-dessus, sont ainsi effacés et remplacés par ces reproches. Ils sont accompagnés de présomptions affirmant que cette guerre était le résultat de la politique d’agression de la Russie guidée par un autocrate. Et que, dès lors, l’OTAN devrait empêcher la Russie d’agresser d’autres Etats. Cette présentation de la réalité est aussi peu concluante que la prétention que l’avancée de l’OTAN contre la Russie aurait comme but de se défendre contre la menace iranienne dans sa tentative d’esquiver les accords de l’OSCE. Autrement dit, l’analyse raisonnable et les arguments étayés par les faits sont éclipsés, voire éliminés. Devant l’évolution du conflit, construite pendant des années à petits pas, se déssine donc en toute évidence l’aspiration de puissance à dimension géostratégique et le droit du plus fort. La dissolution du Pacte de Varsovie est prétendument comprise comme la défaite avouée de la Russie la réduisant aux dimensions de puissance régionale. Une fois de plus, la guerre se nourrit des aspirations du plus puissant et de sa volonté d’imposer ses prétentions de suprématie par voie militaire.
Nous revenons ainsi au néo-impérialisme et à une régression de l’équité des droits de tous les peuples (un concept sous la suprématie «basée sur des règles des valeurs occidentales»). Nous voilà donc face à une nouvelle tentative de propager une suprématie à caractère néocolonial et mondialiste. C’est apparemment cela qui se cache sous la devise trompeuse de défendre « les valeurs occidentales», économiquement et de façon unilatérale, à laquelle appartiendra la «station-service, octroyée à la Russie depuis les années nonante» (John McCain).
Avertissement
Le 24 juillet 1917, on lisait dans les colonnes du magazine russe «Travailleur et soldat»: «La Russie passe des jours difficiles. Les trois ans de guerre qui ont causés d’innombrables victimes ont mené le pays à l’épuisement». On y tombe sur des mises en garde contre la «transformation de la Russie en une colonie de l’Angleterre, de l’Amérique et de la France». Deux mois plus tard – toujours pendant la Première guerre mondiale – le gouvernement provisoire (libéral) de la Russie «se voit contraint de mettre en garde certains étrangers qui se conduisent en Russie comme les Européens en Afrique centrale» (Les voies du travail, du 12 septembre 1917).
De telles dissonances ont continué jusqu’à la Deuxième guerre mondiale et après la victoire, aujourd’hui contestée, de l’Union soviétique contre l’armée d’Hitler avec d’immenses pertes. C’est la guerre froide qui a ensuite façonné les destins sur ce globe. L’offre de l’Union soviétique (note de Staline du 10 mars 1952) de se retirer davantage vers l’Est si l’Allemagne ne joignait pas l’OTAN et devenait neutre, ce qui a été refusé, a également été déjoué par l’Occident.
Pendant des années après la Chute de l’Union soviétique, des affirmations officielles de la Russie se répétaient, par exemple lors du discours de Poutine devant le Bundestag en 2001, où il se félicitait pour l’Europe et lui-même de ne plus être menacés militairement et de pouvoir s’occuper de l’évolution économique. La très pertinente question de Poutine prononcée lors de la Conférence de sécurité de Munich en 2007 «quel était le but de l’avancée de l’OTAN vers l’est» est restée sans réponse. «On ne comprend pas la question», voilà ce qui lui a été répondu, de façon hypocrite.
Le «troisième essai» de coloniser la Russie culminera donc probablement sur la question suprême, celle d’ être ou ne pas être.
Il s’agit de la problématique de l’économie mondiale à laquelle le monde entier devra participer, à part égale. Les acquis des Lumières européennes et leurs idées de résoudre les conflits croissants en recourant à l’analyse ordonnée et méthodique sont donc le grand enjeu qui nous défie. Ces acquis, profondément paisibles, semblent menacés par une irresponsabilité croissante qui risque d’aboutir à d’autres processus de destructions insensées. •
(Traduction Horizons et débats)
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