Comment supporter tout cela? De nouveau, guerre et destructions au Proche-Orient!Des centaines de milliers de morts déjà dans la guerre en Ukraine! L’exode de dizaines de milliers d’Arméniens du Haut-Karabagh! Et puis la souffrance des êtres humains dont presque plus personne ne parle. Par exemple, dans l’est de la République démocratique du Congo, en Syrie, en Afghanistan! Sont devenus rares les pays ne figurant pas sur la liste de ceux souffrant d’injustice globale et de ses conséquences.
On supporterait mieux cette situation en contribuant à améliorer la cohabitation dans ce monde, pour qu’il devienne plus humain. Le premier pas est d’écouter d’abord ceux qui s’efforcent de poursuivre cette voie. S’agit-il de réflexions sérieuses, raisonnables, dignes d’être soutenues – d’un de ces nombreux petits pas en direction d’une amélioration?
Agir de la sorte n’est pas évident et exige du courage. Ce sont des forces puissantes et influentes qui ont, jusqu’à present, «profité» de l’injustice et du manque d’égalité omniprésentes – «profité» entre guillemets car il s’agit là d’un «profit» contre nature, on pourrait même dire qu’il est perverti; il contredit à la nature sociale de l’homme, à la compassion – l’impératif de la survie de l’individu ainsi que du genre humain tout entier – bref, au sentiment d’appartenance [«Gemeinschaftsgefühl», notion clé de la psychologie d’Alfred Adler], inné à chaque individu.
Unecertaine vision du monde
et de nombreux poncifs
Il n’est pas surprenant que les profiteurs tirent à boulets rouges lorsqu’ils voient leurs «profits» menacés. Ils ne veulent pas que le monde soit façonné autrement que dans leur sens. Et si l’on y regarde de plus près, la vision du monde sous-jacente part du principe d’un éternel haut et bas séparant les individus les uns des autres: la vie en tant que lutte éternelle pour le pouvoir et l’argent, lutte dans laquelle il n’y a que des gagnants (en haut) et des perdants (en bas) …
Les profiteurs ne l‘avouent pourtant pas. Ils mettent en avant des «valeurs» suprêmes, chez nous, en Occident, la «démocratie» par exemple. Ces dernières années, ils se sont mis d’accord d’imposer la formule de l’ «ordre international basé sur des règles» (OIR). Mais ces règles, ils les ont défini exclusivement eux-mêmes. Ceux qui conçoivent le monde désirable différemment de ce modèle figé sont cloués au pilori. On les traite d’«autocrates», d’«agressifs», de «forces menaçant la paix et la démocratie» – bref: un danger pour tous ceux qui se battent en faveur de l’OIR. Ils sont diabolisés, et ceci presque tous les jours. L’objectif de cette campagne consiste manifestement dans leur isolement. La vague de propagande bat son plein. Entretemps, de nombreux médias se sont mis entièrement au service des profiteurs du monde OIR.
Et si on écoutait l’autre également?
En quoi serait-il eronné d’écouter également le côté adverse? Ne se pourrait-il pas, par exemple, que le Président russe, diabolisé à l’extrême chez nous, Vladimir Poutine, avance des idées tout à fait raisonnables, capables de contribuer en effet à oeuvrer en faveur d’un monde plus humain?
Pour ma part, je lis souvent les déclarations de Vladimir Poutine, et de préférence dans la version originale.
Je viens de lire, par exemple, le discours qu’il a prononcé récemment, lors de la conférence annuelle du Club Valdaï. C’est un forum d’experts internationaux qui s’est tenu, début octobre, à Sotchi, au bord de la mer Noire. Une version anglaise autorisée est disponible sur le site Internet du Président russe1. Thomas Röper, éditeur de la plate-forme «Anti-Spiegel», a traduit ce discours en allemand.2
En introduction, Vladimir Poutine évoque notre époque actuelle, la dénommant celle du «bouleversement de l’ensemble de l’ordre mondial», aboutissant à «des changements fondamentaux dans les principes des relations internationales». Au début du 21e siècle, déclare le Président, tout le monde avait espéré «que les nations et les peuples avaient tiré les leçons de la confrontation militaro-idéologique coûteuse et destructrice du siècle passé, en ayant reconnu la nocivité et ressenti la fragilité et l’interconnexion de notre planète. Ils étaient donc convaincus de la nécessité de résoudre des problèmes globaux de l’humanité par l’action commune et la quête de solutions collectives». Mais malheureusement, dit Poutine, «la volonté [de la Russie] de coopérer de manière constructive a été comprise, par certains, comme une soumission, comme un accord selon lequel le nouvel ordre devait se construire par ceux qui se sont déclarés vainqueurs de la guerre froide. Au fond, cela a été compris comme une reconnaissance du fait que la Russie était prête à suivre une voie étrangère, prête à se laisser guider non pas par ses propres intérêts nationaux, mais par les intérêts d’autrui.»
Par la suite, une fois de plus, le Président russe explique sa critique de la politique occidentale, telle qu’il l’avait avancé à maintes reprises depuis longtemps, de manière toujours plus pertinente et déterminée. En effet, ses avertissements sincères remontent à son discours lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, en février 20073 (avertissements vains dans la tournure dramatique depuis le 24 février 2022 a continué). Depuis ce moment, Poutine a constamment souligné les conséquences desastreuses de la politique occidentale envers le Sud global.
Une fois de plus, il explique les raisons qui ont amené la Russie à intervenir militairement en Ukraine, le 24 février 2022. Et Poutine d’y ajouter: «La crise en Ukraine n’est pas un conflit de territoires, je tiens à le souligner. La Russie est le plus grand pays du monde. Nous n’avons aucun intérêt à conquérir d’autres territoires. Nous nous trouvons face à l’immense tâche de développer la Sibérie, la Sibérie orientale et l’Extrême-Orient. Dans le conflit actuel, il ne s’agit guère d’un conflit centré sur des territoires, ni même de l’établissement d’un équilibre géopolitique régional. Le sujet est bien plus vaste et fondamental: il s’agit des principes sur lesquels reposera le nouvel ordre mondial.»
Une paix durable
Le Président russe continue sa réflexion en ces termes: «Une paix durable n’émergera que lorsque chacun se sentira en sécurité, sachant que son opinion est respectée, lorsqu’il y aura un équilibre dans le monde, lorsqu’aucun hégémon ne sera plus en mesure de contraindre les autres à vivre et à se comporter selon ses normes et que cette atttitude sera comprise comme enfreinte à la souveraineté, aux véritables intérêts, aux traditions et aux principes des peuples et des Etats.»
Et Poutine d’ ajouter: «Il est évident que l’attachement aux concepts de blocs et le désir de pousser le monde dans une situation de confrontation permanente entre le ‹nous› et le ‹eux›, est l’héritage malveillant du XXe siècle. C’est un produit issu de la culture politique occidentale, du moins de ses expressions les plus agressives. Je le répète: l’Occident – une certaine partie de l’Occident, les élites occidentales – ont toujours besoin d’un ennemi. Elles ont besoin d’un ennemi face auquel elles peuvent construire la nécessité de leur action énergique et de leur expansion. Mais ces cercles ont également besoin d’un ennemi pour maintenir le contrôle au sein du système de l’hégémon, au sein de ses blocs – au sein donc de l’OTAN ou d’autres blocs politico-militaires. Dès que l’on a affaire à un ennemi, tout le monde doit se rassembler autour du chef.»
Par la suite, Poutine illustre ce mécanisme par plusieurs exemples. Ils ont tous conduit au même résultat, comme il dit, «à de grandes guerres pour la justification desquelles on a inventé diverses justifications idéologiques et même pseudo-morales». Aujourd’hui, alors que les systèmes d’armes existants peuvent détruire le monde entier, c’est particulièrement dangereux. Il faut donc chercher une issue à ce cercle vicieux. C’est également l’une des missions du Forum international Valdaï, comme le rappelle Poutine.
Différentes civilisations
dans un seul monde
Dans la deuxième partie de son discours, Poutine revient sur la notion de civilisation. Il rejette l’assimilation réduite entre la civilisation et l’Occident. Celle-ci établit l’Occident comme la seule réference. Il formule, à sa place, une conception plus vaste. «Premièrement, dit Poutine, il existe de nombreuses civilisations, et aucune d’entre elles n’est meilleure ou pire que l’autre. Elles sont des expressions, égales dans leur droit d’existence, des aspirations de leurs cultures et de leurs traditions, de leurs peuples donc. Pour chacun d’entre nous, c’est variable. Pour moi, par exemple, ce sont les aspirations de notre peuple, de mon peuple, auquel j’ai la chance d’appartenir.»
Et d’y ajouter: «Les principales caractéristiques d’une civilisation étatique sont sa diversité et son autosuffisance économique. Voilà donc, à mon avis, ses deux composantes les plus importantes. Le monde moderne est étranger à toute uniformisation; chaque Etat et chaque société oeuvre pour qu’elle trouve sa propre voie de développement. Elle repose sur sa culture et ses traditions propres, façonnées par la géographie, l’expérience historique, tant ancienne que moderne, et les valeurs de ses populations. Il s’agit d’une synthèse complexe au cours de laquelle se forme une communauté civilisationnelle à part entière. Son hétérogénéité et sa diversité sont une garantie de durabilité et de développement.»
Poutine se montre convaincu «que l’humanité ne s’achemine pas vers une fragmentation en segments concurrents, vers une nouvelle confrontation des blocs, quelle que soit leur motivation, vers l’universalisme sans âme d’une nouvelle mondialisation, mais au contraire vers celle acceptant le monde en train d’évoluer vers la synergie des différentes civilisations étatiques, vers de grands espaces et de grandes communautés auxquels chaque peuple se sent appartenir».
Beaucoup en Occident, poursuit Poutine, semblent toutefois «avoir oublié qu’il existe des notions telles que l’autolimitation raisonnable, le compromis, la disposition à faire des concessions dans l’intérêt d’un résultat acceptable pour tous».
Six objectifs de la politique
extérieure russe
Pour clôre son discours, Vladimir Poutine résume les objectifs de la politique extérieure russe en six points:
«Premièrement: nous voulons vivre dans un monde ouvert et interconnecté dans lequel personne ne tentera jamais d’ériger des barrières artificielles à la communication, à la réalisation créative et à la prospérité des gens. Il doit y avoir un environnement sans barrières, il faut s’y efforcer.
Deuxième point: nous voulons que la diversité du monde ne soit pas seulement préservée, mais qu’elle soit la base du développement universel. Il devra être interdit de dicter à un pays ou à un peuple sa manière de vivre. Seule une véritable diversité culturelle et civilisationnelle garantit le bien-être des hommes et l’équilibre des intérêts.
Troisième point: nous nous prononçons pour une représentativité maximale. Personne n’a le droit de gouverner le monde pour les autres ou au nom des autres. Le monde de demain est un monde de décisions collectives, prises aux niveaux où elles sont les plus efficaces et par des participants qui sont réellement en mesure d’apporter une contribution essentielle à la résolution d’un problème donné. Ce n’est pas un seul qui décide pour tous, ni tous qui décident de tout, mais ceux qui sont directement concernés par un problème se mettent d’accord sur ce qui doit être fait et comment le faire.
Quatrième point: nous nous mettons du côté de la sécurité universelle et de la paix durable, basées sur le respect des intérêts de tous, des grands Etats comme des petits pays. Il s’agit avant tout de libérer les relations internationales de la pensée des blocs, de l’héritage de l’époque coloniale et de la guerre froide. Depuis des décennies, nous nous prononçons en faveur de l’indivisibilité de la sécurité, de l’impossibilité d’assurer la sécurité des uns au détriment de celle des autres. En fait, l’harmonie reste réalisable dans ce domaine. Il nous suffit de nous débarrasser de l’hybris et de l’arrogance et de cesser de considérer les autres comme des partenaires de seconde zone ou comme des parias ou des sauvages.
Cinquième point: nous défendons la justice pour tous. L’ère de l’exploitation de qui que ce soit [...] est révolue. Les pays et les peuples sont clairement conscients de leurs intérêts et de leurs capacités et sont prêts à compter sur eux-mêmes – ce qui décuple leurs forces. Tout le monde devrait avoir accès aux avantages du développement moderne, et les tentatives de restreindre cela pour un pays ou un peuple devraient être considérées comme un acte d’agression,précisemment ainsi.
Sixième et dernier point: nous favorisons fermenent le principe de l’égalité, pour les différents potentiels des différents pays. C’est un facteur absolument objectif. Non moins objectif est le fait que personne ne soit prêt à se soumettre, à faire dépendre ses intérêts et ses besoins de qui que ce soit, et surtout des plus riches et des plus forts.»
Et Poutine de clôre son discours en résumant ces six principes en ces termes: «Ce n’est pas seulement l’état naturel de la communauté internationale, c’est la quintessence de toute l’expérience historique de l’humanité.»
A chaque esprit ouvert, une question s’impose: où reside le Mal lorsque l’on réfléchira sincèrement et en profondeur de tout cela? •
1http://en.kremlin.ru/events/president/news/72444 du 5/10/23
2https://www.anti-spiegel.ru/2023/putins-grundsatzrede-ueber-eine-neue-weltordnung/ du 5.10.2023
3http://www.agfriedensforschung.de/themen/Sicherheitskonferenz/2007-putin-dt.html
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