Israël et les Nations Unies

par Karin Leukefeld, Bonn et Damas

Israël a des problèmes avec les Nations Unies. Lorsqu’il s’agit du conflit qui oppose le pays à la Palestine, les diplomates israéliens s’emportent rapidement et défient l’organisation mondiale et ses Etats membres. Le bombardement continu de la population de Gaza, de quartiers densément peuplés, de camps de réfugiés, d’écoles, d’hôpitaux, d’infrastructures civiles, de journalistes et de leurs familles montre qu’Israël ignore des accords essentiels du droit international.

L’adhésion à l’ONU
est soumise à conditions

«[…] Décide qu’Israël est un Etat pacifique qui accepte les obligations de la Charte […] et [les respecte]». (Résolution 273 de l’Assemblée générale des Nations Unies, 11 mai 1949)
    Ne pas épargner les gens sous les bombes, leur couper l’eau, l’électricité, le carburant, les soins médicaux, la nourriture, les communications, est considéré comme un crime, même en temps de guerre. Alors que de plus en plus d’Etats rappellent leurs ambassadeurs d’Israël ou, comme la Bolivie, rompent leurs relations diplomatiques, le gouvernement fédéral de Berlin reste aveuglément fidèle à Israël. La ministre des Affaires étrangères Baerbock a déclaré qu’Israël avait, comme chaque Etat dans le monde, le devoir de protéger sa population et de se défendre contre les attaques. Baerbock a qualifié les habitants du camp de réfugiés de Jabaliya, bombardé deux fois par Israël en l’espace de 24 heures, de «boucliers humains» de «l’organisation terroriste Hamas». Cela ne révèle pas seulement un mépris pour les victimes des bombardements, cela montre également que la ministre allemande des Affaires étrangères ne connaît pas l’histoire de l’Etat d’Israël et de la Palestine.

L’ONU divise la Palestine

Avant la fin du mandat britannique (1920-1948), la Palestine a été divisée par le plan de partage de l’ONU (résolution 181 II de l’ONU). L’ONU nouvellement créée suivait ainsi une promesse faite par la puissance coloniale britannique en 1917. A l’époque, le ministre britannique des affaires étrangères Lord Balfour avait promis au mouvement national sioniste le soutien de la couronne britannique pour la formation d’un «foyer national pour le peuple juif» en Palestine. La population palestinienne s’y opposa et des protestations et des luttes eurent déjà lieu avant et pendant la discussion du plan de partage de l’ONU.
    Le plan de partage adopté en novembre 1947 (Résolution 181 II de l’ONU) a divisé la Palestine en un Etat juif et un Etat arabe. Bien que sur les quelque 1 900 000 habitants de l’époque, plus des deux tiers étaient des Palestiniens musulmans, chrétiens et druzes et un tiers des Juifs, pour la plupart immigrés, la population palestinienne d’origine n’avait pas eu voix au chapitre. Un référendum avait été rejeté. L’Etat juif devait englober 56,47 pour cent de la Palestine, l’Etat arabe 42,88 pour cent. La ville de Jérusalem, avec 0,65 pour cent, devait être placée sous l’administration de l’ONU en tant que «corpus separatum». Les trois parties devaient être réunies dans une union économique. La ville portuaire de Jaffa faisait partie de l’Etat arabe. L’ONU comptait alors 56 Etats membres, dont 33 ont voté pour, 13 contre et 10 se sont abstenus. Tous les Etats arabes ont voté contre.

L’expulsion

Bien que les sionistes aient considéré la décision de partage comme un document fondateur de leur Etat, ils ont lancé, immédiatement après l’adoption du plan de partage, des opérations militaires visant à expulser les Palestiniens afin d’étendre le territoire qui leur était accordé par le plan de partage. Ils ont attaqué des villages, tué et expulsé la population. 530 villages palestiniens ont été détruits. Au tournant de l’année 1948/49, les Palestiniens ne disposaient plus que de 22 pour cent des terres que le plan de partage de l’ONU leur avait attribuées. Jérusalem-Est avait été défendue par des légions arabes jordaniennes contre les milices sionistes. Jérusalem-Ouest, en revanche, avait été prise très tôt par l’armée sioniste clandestine Haganah et la population palestinienne en avait été chassée. Ce faisant, les sionistes ont également ignoré la partie du plan de partage de l’ONU selon laquelle Jérusalem devait être placée sous administration internationale en tant que «corpus separatum».
    L’Etat d’Israël a été proclamé le 14 mai 1948. Le lendemain, le 15 mai 1948, Israël a demandé à devenir membre des Nations Unies. Cette demande n’a pas été traitée par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le 15 mai 1948 également, les Etats arabes ont déclaré la guerre à Israël. Le 20 mai 1948, l’Assemblée générale des Nations Unies a nommé le diplomate suédois, le comte Folke Bernadotte, médiateur des Nations Unies pour la Palestine. Bernadotte a pu négocier un cessez-le-feu et a posé la première pierre de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA. Il s’est montré critique face au «nettoyage ethnique» contre les Palestiniens et à la revendication d’Israël sur la totalité de Jérusalem, ce qui était contraire au plan de partage de l’ONU. Le 17 septembre 1948, le médiateur spécial de l’ONU Bernadotte a été assassiné par le groupe Stern, une milice sioniste. Yitzhak Shamir, le futur Premier ministre israélien, appartenait également au groupe Stern. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a condamné l’assassinat de Bernadotte.
    Le 11 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Résolution 194, qui définit le statut de Jérusalem et le droit au retour des réfugiés palestiniens (s’il est réalisable), ainsi que la réparation de leurs pertes. Le 17 décembre 1948, une deuxième demande d’adhésion d’Israël aux Nations Unies a été rejetée par le Conseil de sécurité de l’ONU.
    Après les élections législatives de 1949, Israël a présenté pour la troisième fois une demande d’adhésion aux Nations Unies. Le 4 mars 1949, le Conseil de sécurité des Nations Unies a voté la résolution 69 en faveur de l’adhésion. Des réserves ont été émises par la Grande-Bretagne, qui s’est abstenue lors du vote au motif qu’Israël ne respectait pas les principes de l’ONU et n’acceptait pas le plan de partage de l’ONU. L’Assemblée générale des Nations Unies a approuvé l’adhésion d’Israël le 11 mai 1949, mais a formulé des conditions. Selon celles-ci, Israël serait admis comme membre des Nations Unies à condition qu’il accepte et mette en œuvre les Résolutions 181 II et 194, le plan de partage de l’ONU et le droit au retour des Palestiniens (s’il est réalisable) ainsi que leur réparation.
    Depuis lors, Israël a ignoré plus de 200 Résolutions de la seule Assemblée générale des Nations unies.
    En 1967, après la Guerre des Six Jours, une autre Résolution importante des Nations Unies a été adoptée, cette fois par le Conseil de sécurité de l’ONU. Il s’agissait de la résolution 242 du 22 novembre 1967, qui affirme l’«inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre» et que les troupes israéliennes devaient se retirer des territoires occupés (1967). Il s’agissait de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et du Plateau du Golan syrien, qu’Israël avait occupés lors de la Guerre des Six Jours (juin 1967). Mais Israël avait déjà commencé à coloniser les territoires occupés, notamment par la construction illégale de colonies. Israël violait ainsi le droit international et la 4e Convention de Genève.
    Lors de l’Assemblée générale des Nations unies du 22 septembre 2023, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est présenté au pupitre avec une carte sur laquelle il voulait démontrer qu’Israël et l’Arabie saoudite, alors engagés dans un processus de rapprochement politique accompagné par les Etats-Unis, étaient sur le point de conclure un accord. Sur la carte de la région brandie par Netanyahu, Israël englobait l’ensemble du territoire de la Palestine, sans qu’apparaissent la Cisjordanie palestinienne, Gaza ou Jérusalem-Est, la capitale prévue d’un Etat de Palestine. Les territoires palestiniens qui devaient former un Etat palestinien étaient effacés.

L’attaque des brigades Qassam

Suite à l’attaque sans précédent des brigades Qassam de la bande de Gaza sur des territoires du sud d’Israël le 7 octobre 2023, Israël a réagi par une violence sans précédent contre les Palestiniens, d’abord dans la bande de Gaza, puis, entre-temps, en Cisjordanie occupée. Aux appels lancés au Conseil de sécurité de l’ONU et à l’Assemblée générale pour un cessez-le-feu et une aide à la population civile, les diplomates israéliens ont répondu par des menaces et des accusations. Même le secrétaire général de l’ONU António Guterres a été insulté et appelé à démissionner lorsqu’il a souligné, lors d’une réunion au Conseil de sécurité de l’ONU (24 octobre 2023), que l’attaque n’était pas venue de nulle part. Il a déclaré que depuis plus de 56 ans, les Palestiniens vivaient sous une occupation israélienne oppressante et se voyaient refuser un propre Etat, et il a rappelé en faisant référence aux violations manifestes du droit humanitaire observées à Gaza, qu’aucune partie à un conflit armé n’est au-dessus du droit humanitaire international.
    Les Etats-Unis ont empêché plusieurs projets de Résolution pour un cessez-le-feu immédiat qui ne comprenaient pas le «droit de défense» d’Israël et la condamnation du Hamas comme «organisation terroriste». Pendant les batailles politiques au Conseil de sécurité de l’ONU, les bombardements israéliens sur la bande de Gaza ont tué (au 2 novembre) plus de 8700 personnes, dont plus de 3600 enfants.
    Le 27 octobre 2023, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté par 121 voix pour, 14 voix contre et 44 abstentions une Résolution d’Etats arabes appelant à une «trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue» entre les forces israéliennes et les combattants du Hamas à Gaza. En outre, un approvisionnement «continu, suffisant et sans entrave» de la population civile prise au piège à Gaza doit être garanti.
    Israël a refusé et a intensifié ses bombardements aériens, d’artillerie et navals sur la bande côtière palestinienne le jour même. L’approvisionnement en eau, en médicaments et en carburant a été interrompu. Les communications à Gaza ont été coupées, ni les téléphones ni les connexions Internet ne fonctionnent.
    Lundi 30 octobre 2023, l’ambassadeur israélien à l’ONU Gilad Erdan est apparu avec une étoile de David jaune sur sa veste de costume, et l’inscription «Never again», «plus jamais». Les deux mots rappellent le fascisme allemand et son extermination des Juifs, des groupes religieux, ethniques et sociaux et des opposants politiques. Il porte l’étoile «comme ses grands-parents et les grands-parents de millions de Juifs» auraient porté l’étoile, a déclaré Erdan, et la porterait jusqu’à ce que les Nations Unies condamnent les atrocités commises par le Hamas et exigent la libération immédiate des otages.
    Le président du mémorial de Yad Vashem, Dani Dayan, a critiqué cette action. Se faire épingler l’étoile est une «honte pour les victimes de l’Holocauste et pour Israël», a-t-il déclaré, car l’étoile jaune symboliserait l’impuissance du peuple juif. Mais aujourd’hui, Israël disposerait d’un Etat indépendant et d’une armée forte, a poursuivi Dayan: «Nous sommes les maîtres de notre propre destin. Aujourd’hui, nous allons épingler un drapeau bleu et blanc sur notre revers de veste, pas une étoile jaune».
    De nombreux diplomates de l’ONU, des organisations onusiennes et des institutions ont lancé un appel pour qu’Israël cesse de violer le droit international. Ce n’est pas dit explicitement, mais l’appel s’adresse aux gouvernements qui, comme les Etats-Unis et l’Allemagne, arment Israël, le soutiennent politiquement et médiatiquement et, comme les Etats-Unis, empêchent le Conseil de sécurité de l’ONU de demander un cessez-le-feu unanime et immédiat. Le 14 octobre 2023, Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967, a déclaré que «sous couvert de guerre […], Israël tente à nouveau et au nom de la légitime défense de justifier ce qui reviendrait à un nettoyage ethnique».
    Pour rappel, le 11 mai 1949, Israël a été admis comme membre des Nations Unies à condition qu’il accepte et applique les Résolutions 181 II (le plan de partage de l’ONU) et 194 (le plan de partage de l’ONU et le droit au retour des Palestiniens (s’il est réalisable) et à leur réparation). Jusqu’à aujourd’hui, Israël n’a jamais considéré comme «réalisable» que les Palestiniens puissent revenir. Au contraire, Israël a tout fait pour s’approprier la terre de Palestine. Les Etats-Unis ont toujours gardé leur main protectrice sur Israël.
    Les Palestiniens sont expulsés, arrêtés, tués. En octobre 2023, des politiciens et des personnalités israéliennes de haut rang ont qualifié les Palestiniens d’«hommes-animaux».

(Traduction Horizons et débats)

La Résolution 1949 – 273 III, Séance plénière des Nations Unies, 11 mai 1949:

«273 (III). Admission d’Israël à l’Organisation des Nations Unies».

Ayant reçu le rapport du Conseil de sécurité relatif à la demande d’admission d’Israël à l’Organisation des Nations Unies; notant que, de l’avis du Conseil de sécurité, Israël est un Etat pacifique, capable de remplir les obligations de la Charte et disposé à le faire; notant que le Conseil de sécurité a recommandé à l’Assemblée générale d’admettre Israël à l’Organisation des Nations Unies; prenant acte, en outre, de la déclaration par laquelle l’Etat d’Israël ‹accepte sans réserve aucune les obligations découlant de la Charte des Nations Unies et s’engage à les observer du jour où il deviendra Membre des Nations Unies›; rappelant ses résolutions du 29 novembre 1947 et du 11 décembre 1948 et prenant acte des déclarations faites et des explications fournies devant la Commission politique spéciale par le représentant du Gouvernement d’Israël en ce qui concerne la mise en œuvre desdites résolutions:

l’Assemblée générale, remplissant les fonctions qui lui incombent aux termes de l’article 4 de la Charte et de l’article 125 de son règlement intérieur,

  1. décide qu’Israël est un Etat pacifique qui accepte les obligations de la Charte, qui est ca- pable de remplir lesdites obligations et disposé à le faire;
  2. décide d’admettre Israël à l’Organisation des Nations Unies.

Deux cent septième Séance plénière, le 11mai 1949.»
(version officielle, en français)

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