ef. Scott Ritter aurait aimé participer personnellement au congrès «Mut zur Ethik» (Oui à l’éthique) comme cela a été le cas l’année passée. Il y a un an, Scott Ritter avait déjà mis au centre de sa contribution ses expériences lors de ces contacts avec les gens en Russie, qui l’ont amené à changer d’avis sur «les Russes» et à les percevoir, on dépit des images de l’ennemi propagées aux Etats-Unis, comme des êtres humains à part entière. Faire comprendre cela au peuple américain est un objectif honorable – et, au vu de la propagande occidentale sur la Russie, une nécessité urgente. Malheureusement, sa participation personnelle n’a pas été possible, car le gouvernement de son pays a confisqué son passeport. Un voyage important pour un projet et pour la participation au Forum économique international de Saint-Pétersbourg a également été rendu impossible. Dans un autre registre, le FBI a récemment effectué une descente à son domicile.
Je suis un homme de paix et je m’engage pour la paix. Mais si vous me connaissez, vous savez aussi que je suis un Américain et que j’aime mon pays. Je suis fier d’être américain.
Je ne suis pas fier de ce que fait mon pays. Mais je reconnais qu’il m’incombe, ainsi qu’à d’autres Américains, de résoudre les problèmes qui se reflètent dans la mauvaise politique du gouvernement. Je suis un soldat de la marine, et je suis fier de mon service en tant que soldat de la marine. Et c’est pourquoi il est très révoltant que mon gouvernement ait décidé de violer la Constitution des Etats-Unis en confisquant mon passeport et en me refusant mes droits constitutionnels à la liberté d’expression, d’association et de déplacement.
Ils n’ont donné aucune raison pour cela. Ils ont simplement confisqué mon passeport. Je crois que j’en connais la raison, car elle s’est manifestée le 7 août, lorsque le FBI a exécuté un mandat de perquisition à mon domicile. Je dois dire que la venue du FBI était issue de leur motivation à eux!
Ils ont pourtant été très professionnels, polis et même prévenants dans l’exécution de leurs tâches. Il n’y a pas eu de violence ou de menace de violence. Ils n’ont pas dérangé ma maison. Ils ont respecté mes biens.
Perquisition par le FBI
Ce qui n’efface pas qu’ ils sont entrés chez moi contre mon gré en saisissant mes appareils électroniques. Ils ont agi sur la base d’un mandat de perquisition signé par un juge américain qui avait reçu des déclarations sous serment du FBI et du ministère de la Justice. S’ils pouvaient accéder à ma maison et saisir mes appareils électroniques, les informations qu’ils trouveraient sur ces appareils prouveraient que j’agissais en tant qu’agent non enregistré d’un gouvernement étranger, en violation du Foreign Agent Registration Act (loi sur l’enregistrement des agents étrangers)1. La perquisition a duré plusieurs heures et, pendant ce temps, j’ai pleinement coopéré avec le FBI. J’ai répondu à toutes leurs questions. A aucun moment, je n’ai été accusé d’un crime ou d’une infraction. Je n’ai pas été arrêté. Je n’ai pas été détenu. Ils ont simplement confisqué mes appareils électroniques.
Lorsque j’ai demandé la raison possible de leur visite, ils n’ont pas pu ou voulu me donner d’informations précises. Je les ai suppliés de ne pas quitter ma maison sans avoir posé toutes les questions qu’ils pouvaient avoir, que j’étais parfaitement coopératif parce que je n’avais rien à cacher. Je n’agirais pas en tant qu’agent étranger d’un gouvernement étranger, le gouvernement étranger étant la Russie, et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour leur prouver ce fait afin que nous puissions mettre fin à ces désagréments. Toutes les questions ont été posées et toutes les réponses ont été données.
Et maintenant, j’attends qu’ils analysent l’électronique et qu’ils arrivent, je l’espère, à la même conclusion que celle à laquelle j’ai essayé de les amener pendant la perquisition. Le problème, c’est que nous vivons à une époque où la perception est plus importante que la réalité. Comme je vous l’ai décrit lors de ma visite l’année dernière, j’avais entrepris un voyage de paix. Je l’ai appelé le voyage de la paix parce que nos deux nations, les Etats-Unis et la Russie, se sont une fois de plus engagées dans ce que l’on pourrait aisément qualifier de nouvelle guerre froide.
«Une guerre froide qui se transforme dangereusement vite en guerre chaude»
Une guerre froide qui se transforme dangereusement vite en une guerre chaude, une guerre chaude qui se manifesterait par l’utilisation d’armes nucléaires. En tant qu’Américain qui aime son pays, qui aime la vie, qui aime toute vie, c’est mon but ultime et ma mission. Empêcher un tel résultat est mon devoir, ma responsabilité. La Constitution des Etats-Unis d’Amérique, à laquelle j’ai juré fidélité, je dois la préserver et la défendre contre tous les ennemis, étrangers et nationaux.
Oui, il y a des ennemis intérieurs de la Constitution, et ces ennemis se sont manifestés sous la forme du gouvernement des Etats-Unis. Certains diront qu’il s’agit là d’une déclaration très peu patriotique. Ces personnes ne connaissent pas l’histoire des États-Unis. En tant que citoyen américain, je ne dois pas de loyauté au gouvernement.
Je ne travaille pas pour le gouvernement. Le gouvernement travaille pour moi. Le gouvernement est tenu d’accomplir ses devoirs, ses tâches, son travail en accord avec une Constitution qui m’accorde, ainsi qu’aux autres, certains droits inaliénables. Il s’agit en premier lieu du Premier amendement, des droits contenus dans le Premier amendement, de la liberté d’expression, de la liberté d’association et du droit à une presse libre.
Le journalisme en plaidoyer
Le droit d’avoir une presse libre. Le garantir est l’un des devoirs primordiaux de l’Etat de droit. Et j’insiste sur une «presse libre» parce que je ne suis pas citoyen américain seul mais autant journaliste. Je ne me range pas parmi le journalisme classique. Je n’ai pas de carte de presse ni du «New York Times», ni du «Washington Post» ni de la plupart des médias grand public. Non, je fais partie de ce que l’on pourrait appeler le «journalisme de plaidoyer»(advocacy journalism en anglais; ndt)2. Je défends la cause de la paix et de la justice. Je m’engage à prévenir la guerre.
Je suis ce que l’on pourrait appeler une partie des médias alternatifs qui contestent les distorsions, voire la tromperie totale, présentées au public américain par les médias grand public, qui ont cessé d’être des journalistes indépendants et sont devenus littéralement une extension du bras du gouvernement. Nous le savons. Le gouvernement admet ouvertement qu’il divulgue parfois des informations de renseignement qu’il sait fausses et trompeuses afin de les transmettre aux médias dominants. Un général qui en parlait a même dit qu’il donnerait volontiers les informations à CNN, parce que cela leur permettrait d’agir plus rapidement.
Et le but de cela était d’anticiper un récit russe. Ils diffusent donc délibérément de fausses informations afin d’influencer un récit destiné à influencer la population américaine. C’est littéralement de la tromperie. En 1971, la Cour suprême des Etats-Unis a rendu une décision qui a fait date dans l’affaire «Etats-Unis contre New York Times».
C’est la fameuse décision sur les Pentagon Papers. Daniel Ellsberg a fait fuiter ces documents au «New York Times» et au «Washington Post», qui les ont ensuite publiés. L’administration Nixon a tenté d’empêcher la publication. La Cour suprême s’y est opposée. Et l’une des raisons invoquées était qu’il est absolument indispensable qu’une presse libre soit en mesure de réfuter les mensonges du gouvernement lorsque ces mensonges visent à tromper le public américain et à conduire les Américains dans des pays étrangers où ils mourront sous les balles, les obus et les maladies. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui avec la Russie. On nous ment à propos de la Russie. Le gouvernement américain admet qu’il trompe ouvertement le peuple américain et qu’il utilise les médias grand public comme vecteur de cette tromperie.
Le modèle légué de John F. Kennedy
J’ai décidé que cela n’était pas tolérable, que je devais, en tant que citoyen américain, en tant que citoyen du monde, contribuer à remettre sur place ces tromperies. Comment peut-on contester de telles tromperies en temps de guerre? Car même si aujourd’hui nous ne sommes pas dans une guerre froide, nous sommes dans une guerre chaude.
Si nous ne sommes pas dans une guerre chaude, nous sommes dans une guerre froide, qui devient de plus en plus chaude en ce moment. Je me suis inspiré de John F. Kennedy, le célèbre Président qui a prononcé un discours d’ouverture le 10 juin 1963 dans une université américaine.
Kennedy y a exhorté le peuple américain à ne pas voir l’autre côté, c’est-à-dire l’Union soviétique, les Russes, avec un regard déformé et sans issue, à ne pas considérer le conflit comme inéluctable, une entente comme impossible et une communication comme un simple échange de menaces. Il a déclaré qu’aucun gouvernement ni système social n’était si mauvais que les gens qui y vivaient devaient être considérés comme sans vertu. Il a conjuré les Américains de louer le peuple russe pour ses nombreuses réalisations dans les domaines de la science et de l’espace, de l’économie et de l’industrie, de la culture et des actes de courage. En bref, nous devons absolument développer un intérêt mutuel et profond pour une paix juste et réelle et pour la fin de la course aux armements.
Mes voyages en Russie
Il a dit qu’il était d’ultime importance que nous faisions ce pas, car après tout, notre plus grand point commun avec le peuple russe était que nous habitions, tous ensemble, cette petite planète, que nous respirions tous le même air, que nous nous soucions tous de l’avenir de nos enfants et que nous étions tous mortels. Je me suis appuyé sur ces mots dans mon travail. En effet, je me suis déplacé en Russie, en mai dernier, et je suis retourné en Russie en décembre pour un voyage qui a duré de décembre à janvier. Et pourquoi?
«Il est essentiel de se mettre à la place du peuple russe»
Pour me mettre à la place des Russes. Oui, il fallait absolument que je me mette à la place du peuple russe pour connaître sa vision du monde et des problèmes mondiaux, pour ramener cette vision aux Etats-Unis, pour éclairer le peuple américain sur la réalité de la Russie, pour que nous puissions trouver des intérêts communs sur lesquels nous appuyer, pour créer un cadre allant dans la direction de la paix et non pas à la guerre. Ce fut un voyage très réussi. Trop réussi pour certains. Le gouvernement américain au moins faisait preuve d’une peur bleue de ce que je faisais.
Je voulais étendre ce voyage et donc me rendre à nouveau en Russie cet été, à St. Petersbourg, au Forum économique international, où je devais prendre la parole sur des podiums où je devais rencontrer des politiciens russes, des chefs d’entreprise russes, des politiciens russes et le peuple russe moyen, avant d’entreprendre mon voyage planifié de 40 jours, de l’Océan Pacifique à la Mer Baltique, avec des contacts dans 16 villes entre les deux, où j’atteindrais le peuple russe, où je le rencontrerais, où je lui parlerais, où je dialoguerais avec lui pour mieux comprendre le monde actuel en connaissant son point de vue, exactement comme John F. Kennedy l’avait fait. Kennedy avait appelé son peuple, les Américains, d’éviter une guerre nucléaire. En toute évidence, ce que je voulais faire était un voyage de trop pour le gouvernement américain actuel.
C’est pourquoi ils m’ont retiré mon passeport. Et maintenant, eh bien, je continue à mener mes entretiens. Ils ont donc fait une descente chez moi pour m’intimider, pour que je me taise, pour que je comprenne que mes actions auront des conséquences. Je crois qu’ils ont oublié que je suis ancien «marine». Je sais les conséquences de mes actes. J’ai rejoint un service militaire réputé pour ses capacités de combat. Je savais qu’en rejoignant le corps des Marines américains, on me demanderait de donner ma vie pour mon pays. Et j’étais prêt à le faire à l’époque, et je suis prêt à le faire maintenant.
Cette bataille n’est pas celle des Etats-Unis contre la Russie. Cette bataille est celle des Etats-Unis contre les Etats-Unis. Cette bataille concerne la liberté d’expression, mon droit de suivre la grave demande, dirigée à nous autres Américains par le Président des Etats-Unis, d’un grand Président américain, de respecter ce qu’il avait à nous dire. Des instructions qui mèneraient à une voie de paix et non de guerre.
Il est de mon devoir, en tant qu’Américain, de demander des comptes, à ceux que j’élis à des postes élevés, pour ce qu’ils font en mon nom. Il n’y a pas de plus grand devoir, de plus grande responsabilité de ceux qui se trouvent au pouvoir que de dire la vérité. Eh bien, je ne suis pas un martyr. Je ne veux vraiment pas qu’il m’arrive quelque chose de mal, car cela signifierait que quelque chose de mal arriverait à ma famille aussi.
Mais si tu n’es pas prêt à te battre pour la cause dont tu affirmes qu’elle te définisse en tant que personne, tu te nies toi-même. Et finalement, si je me regarde dans le miroir le matin et que l’homme qui me fait face ne représente rien de ce qui me tient à cœur, cela me dira que ma vie n’aura pas valu la peine d’être vécue. Tout ce que j’ai prétendu vouloir accomplir s’avérerait n’être qu’un simple mensonge. Non, l’homme qui me regarde dans le miroir est l’homme qui dit: «c’est cela, mon combat». C’est ma vie. C’est mon devoir. Je continuerai à m’engager pour la paix en cette période de guerre. Et je vous remercie de me donner la possibilité de le faire en travaillant avec vous et votre merveilleuse initiative.
1 Le Foreign Agent Registration Act, datant de 1938, décrète qu’ aux Etats-Unis, toute personne exerçant une activité politique ou partiellement politique (économique) en faveur d’une entité de droit publique étrangère est obligé d’annoncer, de documenter et de légaliser cette activité par les autorités américaines compétentes. (réd.hd.)
2 Le «journalisme en plaidoyer» (advocacy journalism en angl.) dénomme une attitude du journaliste qui consiste à réserver une attention particulière, face aux événements, personnes ou conditions sociales soulevés, aux aspects négligés dans les médias grand public. Il s’agit là notamment des intérêts de minorités ou de ceux qui trouvent peu de considération dans les médias à grande influence publique. (réd.hd.)
(Traduction de l’anglais Horizons et débats.)
* Scott Ritter est un ancien officier de renseignement du corps des Marines américains qui, au cours de sa carrière de plus de 20 ans, a notamment travaillé dans l'ex-Union soviétique à la mise en œuvre d'accords de contrôle des armements, dans l'état-major du général américain Norman Schwarzkopfpendant la guerre du Golfe et, plus tard, comme inspecteur en chef des armes de l'ONU en Irak de 1991 à 1998.Ritter a été un critique déterminé de la décision américaine de repartir en guerre contre l'Irak en 2003. Il travaille sur les questions de contrôle des armements, du Moyen-Orient et de la sécurité nationale.
«Disarmement in the Time of Perestroika», le livre de Scott Ritter, publié en anglais en 2022, est l’histoire complète de la mise en œuvre du traité FNI signé par Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan. Il montre également le visage humain de ce processus sensible, sa complexité, ainsi que les efforts déployés par les deux parties pour garantir le succès de ce processus de désarmement historique unique, tous deux sous la devise sincère ’Faire confiance, c’est bien, se contrôler (mutuellement), c’est mieux’. Scott Ritter explique clairement «comment deux nations fondamentalement en désaccord ont pu s’unir pour débarrasser le monde des armes qui menaçaient la paix et la sécurité internationales, voire l’humanité tout entière...» (Clarity Press)
«Un récit captivant sur la manière dont les Etats-Unis ont vérifié l’accord clé qui a mis fin à la guerre froide. Il devrait être lu et assimilé par tous ceux qui se demandent comment nous pouvons aujourd’hui surmonter la belligérance». (Jack Matlock, ancien ambassadeur américain dans ce qui était alors l’Union soviétique, 8 mai 2022)
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