Expulsion de l’UNRWA par Israël en violation du droit international

Déclaration officielle de Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’UNRWA, à l’occasion de la réunion de haut niveau qui s’est tenue à l’Alliance mondiale pour la mise en œuvre de la solution à deux Etats.

hd. Le 29 octobre, la Knesset a approuvé par 92 voix contre 10 une loi interdisant à L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés (UNRWA) toute présence à l’intérieur des frontières d’Israël. A partir de 2025, l’agence d’aide aux Palestiniens devra cesser ses activités – avec de graves conséquences.

Votre Majesté [le prince Faisal Ben Farhan], Excellences,Le vote de la Knesset contre l’UNRWA, rendu public cette semaine, est révoltant et constitue un dangereux précédent. C’est le dernier exemple en date de la campagne en cours visant à discréditer l’UNRWA et à délégitimer son rôle de promotion du développement sur le plan humanitaire et de l’aide aux réfugiés palestiniens.
    Les représentants du gouvernement israélien ont ouvertement appelé au démantèlement de l’UNRWA. Ils en ont fait un des objectifs du conflit en cours à Gaza, au mépris des résolutions de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité ainsi que de la Cour internationale de justice, y intégrant le projet d’installer dans ses structures sur le terrain, à la place de l’UNRWA, des colonies à Jérusalem-Est.
    Ces projets de loi ne feront qu’aggraver les souffrances des Palestiniens car ils ne sont pas seulement dirigés contre l’UNRWA, mais également contre les Palestiniens et leurs aspirations. Nous sommes donc témoins d’une tentative délibérée de modifier unilatéralement les paramètres établis de longue date dans le but d’aboutir à un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien. Les conséquences de ces agissements sur la stabilité régionale ainsi que pour la paix et la sécurité internationales seront considérables.
    Depuis des décennies, les Palestiniens des territoires occupés doivent supporter la négation systématique de leurs droits fondamentaux, la partition des territoires, le blocus paralysant de la bande de Gaza, l’expansion agressive des colonies en Cisjordanie et des périodes récurrentes de guerre ouverte ou larvée.
    Au cours de l’année écoulée, les efforts d’Israël pour rendre impossible la création d’un Etat palestinien autonome ont pris de terrifiantes proportions, en même temps que se réduisaient à l’extrême les perspectives d’une solution à deux Etats.
    La Bande de Gaza a été décimée. Plus de quarante-trois mille personnes ont été tuées, pour la plupart des femmes et des enfants. La quasi-totalité de la population a été déplacée, à plusieurs reprises. Depuis plus de douze mois, deux millions de personnes sont prisonnières de ce véritable enfer sur terre. Désormais, la plupart d’entre elles se retrouvent entassées sur un terrain réduit à 10% du territoire de la Bande de Gaza, dans d’insupportables conditions de survie. Dans le nord de la Bande de Gaza, des centaines de milliers de personnes sont prises au piège d’un siège total, exposés à la menace continuelle de mourir de faim ou sous les bombes. Partout dans la Bande de Gaza, 660000 enfants sont privés de scolarité et doivent lutter pour survivre dans les décombres. Beaucoup d’entre eux se retrouvent privés de tout soutien familial,  personne d’autre qu’eux n’ayant survécu aux destructions systématiques. Ils sont traumatisés et très vulnérables, exposés à multiples formes d’exploitation, y compris au recrutement par des bandes criminelles et des groupes armés.
    Dans le même temps, le conflit en Cisjordanie occupée s’aggrave. La violence des colons et les incursions militaires des forces de sécurité israéliennes y sont devenues une réalité quotidienne pour la population palestinienne. Les opérations militaires poursuivent leur objectif d’une destruction planifiée des infrastructures publiques, procédé qui a pris la forme de punition collective dirigée contre la population palestinienne. L’économie est au bord de l’effondrement tandis que s’accroît le désespoir. La colonisation illégale se poursuit donc – au mépris des arrêts de la Cour internationale de justice.
    Ce qui se passe dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie nous éloigne de plus en plus de la perspective de la paix, de la coexistence et de l’autodétermination. Bien au contraire, la situation suit une ligne directrice qui ne peut que nous amener à une guerre sans fin avec son cortège de misères, une guerre perpétuelle entre Israéliens et Palestiniens.
    Excellences, depuis 75 ans, l’UNRWA est un fanal, une lueur d’espoir pour les réfugiés palestiniens. Afin d’œuvrer en faveur d’une solution politique juste et durable, l’UNRWA s’est engagée à tout faire, pour offrir aux réfugiés palestiniens une position basée sur la dignité et l’accès à l’éducation et les soins de santé.
    Nous avons formé des générations d’étudiants, dont beaucoup ont obtenu des résultats remarquables dans la région et dans le monde entier. […] Vous savez à quel point les Palestiniens trouvent leur réconfort dans l’éducation – le seul bien humain qui ne puisse leur être ni volé, ni retiré.
    Aujourd’hui,  face à ce qui se déroule dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, nous prenons le risque de détruire la vie de toute une génération d’enfants. Si nous ne parvenons pas à placer 600000 enfants dans un environnement d’apprentissage relativement sûr, nous contribuons à ce qu’un jour futur, un réveil brutal ne nous confronte à une situation encore plus grave, dictée par la haine et l’extrémisme.
    Excellences, en temps de guerre, l’UNRWA s’est immédiatement transformée en organisation de secours face à la misère humaine, ce à quoi nous avons été directement confrontés l’année dernière à Gaza. Du jour au lendemain, nos enseignants sont devenus des gestionnaires de refuges. Nos cliniques ont été transformées en services d’urgence, alors même que s’effondrait le système hospitalier existant. Plus récemment, nous avons joué un rôle crucial dans la réussite de la première phase d’une campagne de vaccination prioritaire  contre la polio.
    L’année dernière, l’UNRWA a été l’ultime bouée de sauvetage pour la population de la Bande de Gaza. Malgré cela, ou sans doute à cause de cela, nous avons payé un lourd tribut. Au moins 237 de nos collaborateurs ont été tués, dont beaucoup avec leur famille. Près de 200 de nos bâtiments ont été endommagés ou détruits, entraînant la mort de centaines de personnes déplacées qui cherchaient la protection de l’ONU. Nos convois humanitaires, clairement identifiés, ont été attaqués et pillés par des bandes de pillards armés. Les restrictions imposées à l’entrée de biens de première nécessité dans la bande de Gaza ont eu pour conséquence que des convois d’aide humanitaire demeurent bloqués à la frontière alors même que les gens meurent de faim quelques kilomètres plus loin.
    Excellences, les derniers projets de loi adoptés à la Knesset visent à rompre tout contact avec les autorités israéliennes, ce qui paralyse notre travail dans les Territoires palestiniens occupés. Toute l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, qui dépend de l’infrastructure de l’UNRWA, est en jeu.
    Le fait que les Nations Unies n’aient pas su se défendre contre les tentatives d’intimidation et le travail de sape a créé un dangereux précédent. Il suffit de penser au Liban et aux détestables attaques contre l’UNIFIL. Ouvrons les yeux:
    Tout d’abord, les attaques contre l’UNRWA sont dirigées contre les Nations Unies et leur système dans son ensemble, lequel est basé sur des réglementations résultant du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, et ce, dans le but d’affaiblir notre système multilatéral mondial d’opposition aux conflits.
    Ensuite, ces attaques sont purement politiques, leur but étant l’abolition du statut de «réfugié palestinien». Or, ce statut, attribué aux ressortissants palestiniens existe indépendamment des prestations de l’UNRWA et le restera jusqu’à ce que soit trouvée une solution politique.
    Finalement, il n’existe pas de solution durable pour l’avenir des réfugiés palestiniens en dehors d’un cadre politique. Si une agence des Nations unies dotée d’un mandat de l’Assemblée générale peut s’effondrer parce qu’un Etat membre de l’ONU prétend ignorer l’ordre international, fondé sur des règles partagées du monde entier, alors, que faire?
    Excellences, je me sens encouragé par l’engagement international en faveur d’une solution politique qui s’est exprimé lors de cette conférence. Je remercie sincèrement son Altesse, le Ministre des Affaires étrangères, d’avoir convoqué cette conférence, donnant ainsi à l’UNRWA une plate-forme de premier plan.
    La solution à deux Etats a été retenue au niveau international. L’UNRWA est un élément indissociable d’une transition réussie et équitable. L’atout majeur de cette organisation humanitaire réside dans les domaines de l’éducation et des soins médicaux de base. En l’absence d’un Etat à part entière, je ne vois d’autre organisation que l’UNRWA capable de répondre aux besoins des réfugiés palestiniens en matière d’éducation et de santé.
    Je voudrais conclure sur trois points qui me tiennent à cœur:
    Tout d’abord, je vous demande de faire usage de tous les moyens politiques, diplomatiques et juridiques dont vous disposez pour rejeter les tentatives de démantèlement de l’UNRWA par Israël, tout comme celles d’isolement des Nations unies et de dégradation du multilatéralisme. Cela signifie que des projets de loi qui vont à l’encontre de cet objectif  devraient être retirés ou leur application, suspendue.
    Ensuite, je vous demande de contribuer à garantir le rôle de l’UNRWA, à ce jour tout comme pendant toute la durée de la transition, laquelle sera fatalement longue et douloureuse, entre un cessez-le-feu et le «jour d’après». C’est en faveur de ces deux attentes que nous avons besoin de votre soutien, politique et financier.
    Enfin, je vous demande de persévérer, par le biais de la plate-forme de cette Alliance mondiale que vous représentez, à définir une voie politique viable vers une solution à deux Etats qui apporterait enfin une solution à la situation critique des réfugiés palestiniens.
    Je vous demande instamment de veiller à ce que l’UNRWA conserve son rôle humain, car elle est irremplaçable.
    Je vous remercie.

Source: https://www.unrwa.org/newsroom/official-statements/statement-philippe-lazzarini-commissioner-general-unrwa-high-level-meeting  du 30/10/2024

(Traduction Horizon et débats)

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