«Quel monstre belliqueux avons-nous créé avec l’UE?»

par Michael von der Schulenburg*

Le 28 novembre, le Parlement européen a adopté une nouvelle résolution au titre martial: «Renforcer le soutien indéfectible de l’UE à l’Ukraine à l’encontre de la guerre d’agression de la Russie et de la coopération militaire croissante entre la Corée du Nord et la Russie.» Cette résolution a été adoptée par une majorité composée de conservateurs, socialistes, libéraux et Verts. Les revendications qu’elle énonce glaceraient le sang, même celui d’un observateur neutre. En juillet dernier déjà, le Parlement avait adopté une résolution appelant de fait à déclencher une guerre totale contre la Russie. Mais cette nouvelle résolution va encore plus loin – c’est pratiquement un appel à la troisième guerre mondiale.
    Le Parlement européen y déclare qu’en aucun cas les menaces de la Russie de riposte nucléaire à toute attaque ne dissuaderaient l’UE de continuer à soutenir militairement l’Ukraine. Et la Résolution se fait plus concrète: elle demande la livraison immédiate d’avions de combat et de missiles de croisière à longue portée, y compris les missiles de croisière Taurus. Il est à noter que la Résolution ne prévoit aucune restriction quant à l’utilisation de ces armes –c’est donc la Russie tout entière qui pourrait être prise pour cible.
    Le rapport fait l’éloge de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis, qui ont déjà autorisé leurs missiles de croisière (SCALP,Storm Shadow et ATACMS) à être utilisés pour attaquer le territoire russe. La résolution ne mentionne pas non plus la nécessité de faire opérer ces systèmes d’armements hautement sophistiqués par des soldats de l’OTAN, ce qui impliquerait donc une participation directe de l’OTAN à la guerre en Ukraine. De même, il n’est pas fait mention des réactions possibles de la Russie à une telle escalade.
    Aucune mention non plus du risque présenté par une attaque directe de l’OTAN contre la Russie, susceptible de déclencher une troisième guerre mondiale et éventuellement un conflit nucléaire.
    De même, on ne parle ni du fait qu’une telle guerre se déroulerait inévitablement sur le sol européen, ni des conséquences désastreuses qu’elle aurait pour les Européens. D’ailleurs, pourquoi le ferait-on ? Les députés du Parlement européen évoluent dans une bulle protégée qui semble avoir depuis longtemps coupé tout lien avec la réalité en dehors de leur institution.
    La résolution de 13 pages se lit comme une liste d’accusations, de menaces, de demandes de livraison d’armes et de munitions, de demandes d’augmentation des fonds pour la guerre et d’appels à de nouvelles sanctions. Mais il y a un point qui fait totalement défaut: une approche débouchant sur une solution pacifique du conflit. Pas une seule phrase qui soit consacrée à des démarches diplomatiques ou à des négociations. L’objectif de la majorité parlementaire est clair: la victoire sur la Russie, quel qu’en soit le prix.
    Le temps est manifestement compté. Au cours des débats, certains participants ont souligné l’étroitesse du créneau temporel, à l’approche de l’investiture de Donald Trump en tant que Président des Etats-Unis. L’objectif demeure de mettre la Russie à genoux dans les semaines qui restent.
    Certes, la résolution demande aux Etats membres de l’UE d’intervenir auprès d’un futur président Trump afin de le convaincre de la nécessité de vaincre la Russie. Mais cet appel n’est pas très convaincant. On pourrait même en arriver à un cas de figure rocambolesque où ce serait précisément Trump qui préserverait les Européens du délire guerrier de leurs élites politiques.
    Cette résolution est un document empreint de haine, de panique et d’hystérie – l’expression honteuse d’une irresponsabilité et d’un manque d’empathie pour les nombreuses victimes de ce genre d’hystérie guerrière.
    Quant à nous, Européens, il n’y a pas de quoi être fiers. Heureusement, cette résolution n’aura probablement aucun impact politique direct sur la guerre en Ukraine. Le Parlement européen a simplement prouvé, une fois de plus, que sur de nombreuses questions cruciales, il se comportait comme un «décideur factice» – heureusement pour nous tous dans cette affaire.
    Pour moi qui ai toujours été un fervent partisan de l’idée européenne, il est affligeant d’assister à ces débats d’une majorité parlementaire assoiffée de guerre et de haine. Dans ces moments-là, je me demande: quel genre de monstre belliqueux avons-nous créé avec l’UE? 

(Traduction Horizons et débats)


* Michael Sergius Graf von der Schulenburg (né le 16 octobre 1948 à Munich) était un diplomate de l’OSCE et de l’ONU. De 2009 à 2012, il a été le plus haut représentant de l’ONU à Freetown en Sierra Leone et le chef de la première mission intégrée de consolidation de la paix au monde. Lors des élections européennes de 2024, il a été élu au Parlement européen pour le BSW.

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