mw. Au moins dix grands donateurs occidentaux dont l’Allemagne, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada ont suspendu «temporairement» leurs versements à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). Pour quelle raison?
Les faits sont connus. Israël accuse douze employés de l’UNRWA d’avoir été impliqués dans l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023. Ils ont aussitôt été démis de leur fonction par le chef de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, en accord avec le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Les accusations font l’objet d’une enquête de l’ONU. Tout se passe donc dans les règles. On ne voit aucune raison d’annuler, en réaction à ce fait, le financement suisse à l’aide humanitaire indispensable que les 30000 collaborateurs de l’UNRWA apportent au peuple palestinien en détresse, dont 13000 dans la bande de Gaza,.
Il y a à peine un mois, le 22 décembre 2023, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2720 pour atténuer les souffrances graves de quelque deux millions de personnes dans la bande de Gaza. Le Conseil de sécurité «a réaffirmé les obligations des parties au conflit en vertu du droit international humanitaire, notamment en ce qui concerne la protection des civils et des biens de caractère civil, la sécurité du personnel humanitaire et la fourniture de l’aide humanitaire». Le Conseil de sécurité a sommé «que les parties autorisent, facilitent et permettent l’acheminement immédiat, sûr et sans entrave d’une aide humanitaire à grande échelle directement à la population civile palestinienne dans l’ensemble de la bande de Gaza». Il a ajouté qu’il fallait «utiliser toutes les voies d’accès et de communication disponibles pour acheminer du carburant, de la nourriture et du matériel médical dans la zone côtière». En outre, le Conseil a appelé à la mise en place «rapide» d’un mécanisme de l’ONU pour accélérer l’acheminement de l’aide à Gaza par les Etats qui ne sont pas impliqués dans le conflit (Nations unies: «Le Conseil de sécurité adopte une résolution importante sur la crise de Gaza; la Russie et les Etats-Unis s’abstiennent», du 22.12.2023).
Avec son ordonnance du 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a confirmé les obligations d’Israël en tant que puissance occupante de veiller à ce que la population de la bande de Gaza soit suffisamment approvisionnée. L’ ultime condition pour que cela soit réalisé (pour l’instant seulement en partie!) est l’arrêt immédiat des opérations de guerre. Or, Israël n’applique ni la résolution du Conseil de sécurité ni la décision de la CIJ.
L’UNRWA offre la plus grande garantie pour l’application
de la résolution 2720 (2023) et de l’ordonnance de la CIJ
En effet, avec le CICR, l’UNRWA est l’organisation qui s’engage le plus pour que ces deux décisions (qui ont en fait été imposées à Israël) soit réalisées, malgré les circonstances les plus défavorables. Ses collaborateurs fournissent autant d’aide que possible, risquant leurs vies (jusqu’à présent, 150 travailleurs humanitaires de l’ONU ont été tués dans la guerre de Gaza). Il est évident qu’à cet effet, ils doivent coopérer autant avec les autorités civiles du Hamas qu’avec l’armée israélienne et les soldats aux checkpoints – en temps de guerre, c’est bien connu, il ne peut en être autrement.
Les conséquences de la menace d’interruption des paiements à l’UNRWA sont connues de tous ceux qui s’occupent des réalités. De son côté, António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, avertit que sans les contributions financières, de larges pans de l’activité de l’UNRWA arriveront à échéance dès le mois de février – donc dès maintenant! Pour la population de la bande de Gaza tourmentée depuis quatre mois par la guerre, la faim, les épidémies et le manque d’aide médicale, il s’agirait d’une autre catastrophe, cette fois impossible à supporter. C’est ce qu’a confirmé Anthony Blinken, secrétaire d’Etat américain, le 30 janvier, en disant que l’UNRWA jouait «un rôle absolument indispensable pour garantir que les hommes, femmes et enfants ayant tant besoin d’aide à Gaza la reçoivent effectivement». Sa collègue Linda Thomas-Greenfield, ambassadrice américaine auprès des Nations unies, a toutefois déclaré le même jour: «Nous devons voir des changements fondamentaux avant de reprendre notre soutien financier direct à l’UNRWA». Le gouvernement états-unien sait-il encore à quel saint se confier?
Le secrétaire général de l’ONU António Guterres est l’un de ceux qui parlent de manière droite, il fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait ou doit faire. Le 8 décembre 2023, il a prononcé un discours fort devant le Conseil de sécurité de l’ONU, exhortant avec insistance la communauté internationale à s’engager en faveur d’un cessez-le-feu humanitaire immédiat et d’une future solution de paix. Selon lui, c’est l’unique solituion pour que les Israéliens et les Palestiniens retrouvent la paix et leur sécurité. Il est difficile à comprendre qu’un tel appel ne touche pas chaque être humain doué d’un reste de sensibilité. A l’heure actuelle, nous ne comptons que peu de personnalités politiques aussi responsables que M. Guterres qui égaliseraient son exceptionnelle fermeté.
Après que de nombreux Etats occidentaux ont annoncé l’interruption de leurs paiements à l’UNRWA, le 30 janvier, Guterres a reçu 35 représentants d’Etats membres de l’ONU et de l’UE se battant pour convaincre les pays donateurs de poursuivre leurs paiements. Il faut espérer que les Etats-Unis et leurs satellites se souviennent de leur responsabilité directe dans la situation de détresse extrême à laquelle les habitants de la bande de Gaza sont exposés.
Responsabilité du monde occidental – également de la Suisse
Nous autres citoyens occidentaux, ainsi que nos «élites» politiciennes, devrions être conscients de notre coresponsabilité dans la situation extrême des habitants du Proche-Orient. En livrant des armes à Israël, puissance guerrière suprême dans la région, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et d’autres Etats contribuent à prolonger la guerre et la misère de la population civile dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Nous autres, citoyens et citoyennes, devons élever nos voix face à ce scénario horrible. Dans Horizons et débats du 28 janvier, le professeur Alfred de Zayas, spécialiste du droit international, écrit: «Le silence n’est pas une option». Nous devons insister à ce que la résolution 2720 soit respectée par toutes les parties et à ce que le gouvernement israélien applique les mesures qui lui ont été imposées par la Cour internationale de justice. Si nous voulons être les amis du peuple israélien, nous devons également être les amis du peuple palestinien. Sans cela, cette guerre n’aura pas de chance d’aboutir à la paix.
Quant à la Suisse, il est doublement honteux pour elle de mettre des bâtons dans les roues de l’UNRWA, et ce parce qu’un petit groupe parmi les dizaines de milliers de ses collaborateurs se trouve accusé de crimes (accusé!). Le 30 janvier 2024, la Commission de politique extérieure du Conseil national (CPE-N) a gelé provisoirement tous les paiements à l’UNRWA en Suisse. La commission invitera des experts à sa prochaine réunion pour discuter de la manière comment poursuivre l’engagement de la Suisse dans ce domaine. Le 12 février, la CPE parallèle, celle du Conseil des Etats (CPE-E), se penchera sur la même question. On ne peut faire que recommander aux députés de nos deux Chambres parlementaires de lire la prise de position de la Ministre sud-africaine des Affaires étrangères, le Dr. Naledi Pandor, à l’Assemblée nationale de la République d’Afrique du Sud, prononcée devant son Parlement, le 7 novembre 2023 (v. Horizons et débats dans son éditon du 23 janvier) ainsi que le discours d’Antònio Guterres du 30 janvier 2024, mentionné ci-dessus.•
Sources:
«Krieg in Nahost: Uno-Generalsekretär Guterres trifft UNRWA-Geberländer. Palästinenser-Hilfswerk ist laut US-Aussenminister Blinken ‹absolut unerlässlich›»; réd. NZZ-live du 30/01/2024.
Passenheim, Antje. «Trotz Skandals: UN-Chef Guterres wirbt bei Gebern um Geld für UNRWA». Deutschlandfunk du 31/01/2024.
UN Secretary-General remarks on Israel-Palestine Crisis/ Security Council/ United Nations, 30/01/2024
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