(pk.) Nous recevons le courrier publié ci-dessus en complément à l’article sur la situation en République démocratique du Congo, notamment dans l’est du Congo (Horizons et débats, n° 4, du 28 février 2024), situation intenable sur laquelle le monde médiatique occidental garde un silence de fer. Il s’agit du rapport de situation d’un prêtre qui, face à la terreur permanente exercée dans les villages environnants par les mercenaires du «M23» et des groupes apparentés, s’est réfugié à Goma. Là-bas, les camps de réfugiés improvisés sont une fois de plus surpeuplés. La ville n’est pas en mesure d’offrir une véritable protection contre le cercle de siège pris des groupes armés du M13, entretenus par le Rwanda, ni à sa population, ni à ceux qui vivent dans les maigres camps de tentes de la région. Jusqu’à présent, les FARCD (Forces armées de la République Démocratiques du Congo, armée nationale congolaise) n’ont pas réussi à sécuriser l’Est, à feu et à sang depuis trente ans. Les forces internationales de protection, la mission de l’ONU, passives dès les débuts de sa mission, ainsi qu’un détachement international de soutien militaire est-africain ont récemment été renvoyés par le gouvernement congolais sous Tshisekedi réélu sans résultat, alors que beaucoup placent de nouveaux espoirs dans une force de soutien de la Communauté économique sud-africaine (SADC), espoir partagé que partiellement par l’expéditeur. Seul pilier pour la population abandonné – de courageux prêtres qui n’ont pas abandonné, réconfortés par nombre de leurs évêques dont plusieurs qui ont payé leur combat pour la dignité humaine avec leurs vies.
«Je vis à présent à la porte de Goma d’où d’innombrables bombes sont lancées vers le Masisi, jour et nuit. La connexion étant coupée dans ce coin, on ne peut même pas avoir de nouvelles des nôtres. L’option du Président [Tshisekedi] est la guerre et non le dialogue (même si celui-ci n’est pas voulu par le peuple. Il sait pourquoi…) A Goma, nous avons maintenant beaucoup de militaires disposant d’armement lourd. Les humanitaires mettent en garde contre une crise prochaine car les moyens de transport d’aide n’arrivent pas à se rendre à destination: on parle ici de l’axe Bweremana – Minova où sont concentrés des milliers de déplacés internes ayant fui les affrontements entre le M23 et les FARDC (armée nationale de la RDC) ainsi que de l’axe Kilolirwe, Kichanga et Mweso. Les écoles n’ont plus ouvert leurs portes depuis novembre. Un petit génocide intellectuel a ainsi lieu. A bien suivre les événements, les rebelles à majorité Tutsi n’ont asphyxié que les zones où sont condensés les Hutu. L’impact politique sur ces zones occupées: la population ne sera donc pas représentée au parlement nouvellement élu. Est-ce la réalisation progressive de la balkanisation (idée ou plan qui n’est pas étranger au projet de ceux qui ont engagé la guerre)? Pourra-t-elle prendre fin avec l’arrivée des militaires de la SADEC1? De l’autre côté des «rebelles», leurs parrains visibles (l’Ouganda et le Rwanda) les renforcent en envoyant d’autres éléments combattifs au Congo. L’avenir est sombre. Nous allons vers des jours de plus en plus difficiles.
Du vendredi 26 janvier 2024 jusqu’au 30, les évêques membres del’ACEAC2 se sont réunis à Goma pour marquer la solidarité avec le peuple du Nord Kivu. Une recommandation est sortie: une rencontre et une discussion entre les trois chefs d’Etat3. Chose difficile à l’heure actuelle. La tension entre nos états est tellement grande. Seul Dieu pourra nous sauver dans cette situation. Seulement, trop c’est trop. La souffrance est grande. Le nombre des déplacés augmente chaque jour. Le cycle de violence a atteint un seuil dramatique. Wait and see...»
Goma, février 2024, abbé T.U.V.,
prêtre dans une région dévastée dans les
environs de Goma
(nom et identité connus à la rédaction).
1Southern African Development Community
2Les membres de l’Association des Conférences Episcopales d’Afrique Centrale (ACEAC) qui regroupe les évêques catholiques du Burundi, de la République Démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda ont renouvelé les «voies alternatives» pour la paix dans leur région: aide et négociations.
3De la République démocratique du Congo, du Rwanda et de l’Ouganda
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