Est-ce une jeune femme vêtue d’un manteau de fourrure? Ou une vieille femme, peut-être même une sorcière? Deux interprétations divergentes d’un même fait? Tout est vrai, chacun possède sa propre vérité? Ou bien qu’en est-il réellement? Face à ce genre de situations, les enfants réagissent spontanément et sont souvent convaincus d’avoir raison. Mais on peut aussi les encourager à y regarder de plus près pour trouver «l’autre image». «Ah oui, maintenant moi aussi je la vois!», s’émerveillent-ils. C’est cette spontanéité à accepter une autre vision des choses que l’on souhaiterait aujourd’hui retrouver chez de nombreux adultes, en particulier lorsqu’il s’agit d’évaluer les causes des crises politiques et des conflits actuels. Mon interlocuteur est-il prêt à voir ou à entendre autre chose? Malheureusement, pas toujours, car il peut être très difficile de renoncer à son propre point de vue, d’admettre une erreur d’appréciation ou de revoir son opinion à la lumière de nouvelles informations.
Créer une image négative
à grand renfort de propagande
Le manque de débats sur la guerre en Ukraine en est un exemple très parlant. En guise d’excuse, on peut peut-être avancer qu’il n’est effectivement pas facile aujourd’hui de s’informer de manière approfondie. La couverture médiatique de nos principaux médias est dominée par un esprit hostile à la Russie, en particulier envers son Président Vladimir Vladimirovitch Poutine.
Il semble que nos consortiums médiatiques considèrent qu’il est de leur devoir de représenter les intérêts des grandes puissances occidentales en fonctionnant comme un réseau de propagande en temps de guerre. On peut même parler d’une russophobie maladive. Ce n’est pas un hasard, comme l’explique Jacques Baud1 dans un entretien avec Glenn Diesen: «Au cours des dernières années, en particulier depuis 2022 – mais cela avait déjà commencé avant –, une série de structures ont été mises en place en Europe occidentale afin de contrôler les informations sur la Russie.
On avait bien sûr déjà le Centre d’excellence pour l’information de l’OTAN, basé en Estonie. Mais d’autres Centres ont également pratiqué ce petit jeu afin de filtrer les informations provenant de Russie destinées à la population européenne. En fait, tout cela n’est rien d’autre que de la «gestion de la perception» et il ne s’agit plus d’information. Si l’on consulte les médias, par exemple – je suis surtout les médias français et suisses – on constate que les informations dont ils disposent proviennent exclusivement de ces institutions. […] Il existe réellement une structure de désinformation qui a été mise en place avec la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l’OTAN et l’Ukraine. […] C’est pourquoi les informations mises à la disposition de la presse proviennent exclusivement de ces sources. Il n’y en a pas d’autres.»2
Créer ce qu’on veut comme vérité
C’est donc la raison pour laquelle on nous «abreuve» quotidiennement d’un torrent d’informations indistinctes qui ne diffèrent que par d’infimes détails. Il est désormais devenu normal de servir à un public ignorant cette soupe de propagande conçue par des think tanks. Ce ne sont pas les faits qui importent, mais les sentiments que l’on veut générer, lesquels renvoient à la «guerre froide» – une période qui, d’ailleurs, n’a jamais été analysée chez nous, en Occident. On rapporte donc ce qui est bon pour l’alliance militaire occidentale et on fait passer des accusations partiales et mensongères pour des vérités incontestables.
Message réccurent: «C’est la faute de Poutine». Dans ce contexte, photos et films jouent un rôle sans cesse accru. Grâce au langage visuel des angles de caméra judicieusement choisis, soulignés par une musique d’ambiance, des effets lumineux et des couleurs, transmettent un message précis et créent le cadre de lecture dans lequel les faits doivent être replacés. Le «héros» doit-il être montré de face, en contre-plongée ou en plongée, avec un sourire amical, pensif ou même avec une expression agressive? C’est ainsi qu’on peut diaboliser un individu en le présentant comme un dirigeant retors et impénétrable, ou au contraire de le mettre en valeur en le présentant comme une personnalité sympathique. Des images falsifiées ou générées par l’intelligence artificielle produisent les «vérités» que l’on veut imposer, des descriptions dévalorisantes ou élogieuses, toujours les mêmes, propagent des informations formatées. On exploite ainsi la méconnaissance de l’Histoire ou l’ignorance des contextes historiques. C’est une autre conséquence du recul de l’éducation dans nos contrées. L’intelligence artificielle (IA) – ou plutôt l’intelligence simulée (IS) – transforme les données existantes dans le sens désiré.
Cela rend les moyens utilisés pour effectuer cette opération psychologique de manipulation encore plus complexes. Le lecteur, l’auditeur ou le spectateur doit filtrer tous ces éléments à partir des informations habituelles diffusées par les principaux médias – ou plutôt les médias de manipulation? – qui prétendent à l’objectivité…
«Sans moi, ça c’est sûr!»
Il existe cependant nombre de nos contemporains critiques qui soupçonnent une volonté délibérée de brouiller leur jugement lorsqu’ils s’informent sur l’actualité mondiale à travers nos quotidiens et nos journaux télévisés. Mais ni la résignation, ni même l’indifférence n’ont leur place ici, bien au contraire: «Sans moi, ça c’est sûr!»
La journaliste australienne Caitlin Johnstone a eu raison de sous-titrer son livre intitulé «Petit guide de premiers secours contre la propagande» comme suit: «Comment garder notre bon sens dans un monde devenu fou»3. Nous pouvons par exemple nous faire notre propre opinion en nous informant auprès de médias qui s’appuient sur des faits – comme celui que vous êtes justement en train de lire. Un changement de perspective est possible et nous ouvre non seulement les yeux sur les manipulations, mais également sur notre marge de manœuvre. Ainsi, ni la sorcière ni la jeune femme ne constituent les seules interprétations possibles de l’image. •
1Jacques Baud a travaillé comme analyste responsable du Bloc de l’Est et du Pacte de Varsovie pour le Service de renseignement stratégique suisse et a développé la doctrine des opérations de maintien de la paix de l’ONU à New York.
2https://swisscows.com/de/video?query=Glenn+diesen+Jacques+Baud
3 Johnstone, Caitlin. Kleines Erste-Hilfe-Büchlein gegen Propaganda. Wie wir unseren Verstand in einer verrückten Welt bewahren können. Editions Westend, 2023
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