La situation se dégrade à nouveau, de façon dramatique, dans l’est du Congo. Au terme de longs mois d’une avancée méthodique des mercenaires du M23, appuyés par une coalition regroupant des «rebelles» et des unités de l’armée rwandaise, le tout sous contrôle rwandais: Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, est désormais à l’emprise de cette armada de guérilleros, mercenaires et troupes rwandaises bien formées. C’est la troisième prise de Goma dans cette guerre interminable, centre de commerce (de minérais stratégiques!), situé à quelques kilomètres de la frontière avec le Rwanda. Ce Rwanda qui mène une guerre par procuration contre la RDCongo, et ce depuis plus de trente ans. Ceux qui tuent et torturent la population civile «gênant» leur rapacité ne sont ni de «rebelles» ni de milices «génocidaires» qui menaceraient la sécurité du Rwanda, comme Kagamé, son président autocrate, le prétend depuis trente ans. Tout cela sont des mensonges de guerre dans ce drame sanguinaire, mené à vie par ses profiteurs occidentaux. Ce dont il s’agit pour du vrai, ce sont des terres rares, indispensables à la nouvelle technologie automobile, d’internet, des portables et d’armements stratégiques: du cobalt, du coltan (avec le tantale sans lequel ni portable ni missile ne fonctionne), de lithium (basique pour la technologie des voitures à batteries) et autres. Les mines de l’Est du Congo en regorgent, tandis que dans le monde ces matières «stratégiques» sont très rares....
Cette nouvelle attaque d’envergure sur la quasi-totalité du Nord-Kivu a eu comme effet de vagues massives de réfugiés civils, fuyant les attaques du M23 et ses alliés rwandais. Au cours des derniers mois, d’immenses camps de réfugiés improvisés se sont multipliés dans la région, notamment autour de la ville de Goma. Avant la prise de Goma, des tentes improvisées à même le sol, bricolées en grande hâte à base de bâches en plastique repérées à l’hasard, s’étendaient à perte de vue sur la totalité de ses environs. Le nombre de réfugiés civils se chiffre, selon les rapports de l’ONU, à 500000. Ceux arrivés à Goma se sont avérés des tristes réalités au moment où, là encore, les premiers grenades des M23 ont explosé, parmi eux aussi, comme ailleurs dans la région pendant les semaines précédentes.
Catastrophe humanitaire à Goma
Les organisations humanitaires internationales restées à Goma et ses alentours ont été dramatqiquement surchargées par les événements. Sous le titre «Le CICR condamne les attaques au Nord-Kivu qui ont fait de nombreux morts et blessés parmi les civils», le Comité international de la Croix-Rouge à Genève écrit, un jour après l’assaut des agresseurs sur la ville:
«Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’alarme de l’impact dévastateur que la poursuite des affrontements armés fait peser sur la population civile à l’intérieur et à l’extérieur de la ville de Goma, en République démocratique du Congo (RDC). L’afflux massif de personnes blessées par des armes à feu ou explosives dans les institutions bénéficiant du soutien du CICR, notamment l’hôpital CBCA Ndosho à Goma, est particulièrement préoccupant».
L’ampleur de cette catastrophe humanitaire se reflète également dans les sobres propos de Myriam Favier, subdéléguée du CICR à Goma:
«Certains de ces blessés sont acheminés en moto, d’autres en bus ou avec l’aide de volontaires de la Croix-Rouge de la République démocratique du Congo. Les civils qui arrivent ici souffrent de graves blessures par balle ou par éclats d’obus.
L’hôpital tout entier est mobilisé et les trois équipes chirurgicales prennent en charge 24heures sur 24 les patients, dont certains sont même contraints d’attendre leur tour allongés sur le sol, faute de place.
Cette situation résulte du recours à l’artillerie dans des zones densément peuplées – notamment dans les vastes zones urbaines comme Goma, ou dans les camps de personnes déplacées – ainsi que des conséquences désastreuses de violents affrontements sur la population civile, qui se retrouve prise entre deux feux, au milieu de tirs croisés […]». (CICR, communiqué aux médias du 28 janvier 2025, parties mises en relief par pk.)
Le chirurgien en chef de la clinique
d’urgence Panzi ne mâche pas ses mots
La misère que cette guerre apporte, depuis 30ans, à la population de l’est du Congo, éclate entièrement par l’appel du médecin en chef et directeur de la clinique Panzi à Bukavu, le Dr. Denis Mukwege. Le chirugien et combattant pour la paix a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2018. En 2022 il a participé aux élections (falsifiées) à la Présidence de l’Etat congolais. Pour lui cet engagement était surtout l’occasion d’attirer l’attention des Congolais votants sur la situation embrouillée à l’Est de leur pays, immense et menaçante. Il était le seul candidat à nommer, avec détermination, les vraies raisons de cette guerre et désigner par leur nom les instigateurs de cette guerre contre la population entière. Les extraits suivants sont les prises de position actuelles d’un homme qui fait ce qu’il peut, dans cette clinique Panzi construite par son initiative à Bukavu, une des rares lueurs d’espérance pour des nombreuses victimes y opérées, cet homme qui est connu dans le pays tout entier en sa qualité de chirurgien spécialiste face aux mutilaition horribles des femmes victimes des viols massifs, perpétrés selon différents rapports officiels de l’ONU systématiquement par des groupes assaillants se dénommant «rebels».
«Mettez fin à cette guerre économique ensanglantée – enfin!»
Dans son site internet (Panzi News), le Dr. Denis Mukwegeprend position, le 10 janvier 2025, donc quelque jours avant la prise de Goma. En préliminaire, Kagame, chef d’Etat autocratique du Rwanda et cerveau de cette guerre, avait fait annuler une rencontre au sommet avec Tshisekedi, Président de la République Démocratique du Congo, pour enfin trouver une sortie de la crise permanente, sous des conditions humiliantes pour Tshisekedi. Le jour suivant, la campagne actuelle en direction de Goma a été déclenchée. Denis Mukwege: «Je suis très préocccupé après avoir lu le dernier rapport du groupe d’experts des Nations Unis pour la République démocratique du Congo.1 Malgré la convention d’un cessez-le feu humanitaire et d’un armistice, le régime de Kigali continue à enfreindre le droit international en poursuivant sa politique d’extension territoriale avec ces troupes de volontaires de la Coalition AFC/M232, soutenues et contrôlés par 3000 à 4000 soldats de l’armée rwandaise. En infraction flagrante de l’intégrité territoriale et de la souveraineté congolaise, ces troupes disposent d’un équipement militaire haut la gamme et des armes high-tech. […] Ils contrôlent les régions conquises, surtout la région de Rubaya, dont les mines représentent une des plus grandes sources de Coltan dans le monde [matière de base pour le tantale tellement convoité, pk.]. Les experts chargés par le Conseil de sécurité ont montré, preuves à l’appui, que la coalition AFC/M23 a un monopole sur l’exploitation frauduleuse, le commerce et l’exportation illégale de minéraux de Rubaya vers le Rwanda. Cela mène à l’effacement volontaire des chaînes de livraison de minéraux stratégiques comme le tantale et le tungstène, (les deux minéraux sont indispensables pour la fabrication d’armes modernes dans la région des Grands Lacs ces dix années dernières).» […]
Il faut que le vrai enjeu
de cette guerre soit mieux connu, dans le Congo et dans le monde
Dans une prise de position sur l’émetteur congolais de nouvelles «congoflash infos» du 28 janvier Patrick Mbeko, politologue avec des racines congolaises et auteur de deux études fondamentales concernant la guerre sans fin au Congo de l’est depuis ses débuts, désigne entre autre les points suivants: «Ce qui se passe actuellement autour de Goma est un pas stratégique planifié depuis longtemps auquel suivront d’autres. C’est un problème de la région que même le gouvernement Tshisekedi ne dispose ni d’informations suffisantes ni de forces nécessaires de mettre vraiment une fin efficace aux agissements de l’annexion internationale d’une partie de la République démocratique du Congo […]. Tous les Congolais devraient voir clairement ce qui est planifié: la balkanisation de leur pays. La répartition de ses richesses minières d’importance stratégique convoités parmi les requins du secteur financier moderne, avec le Rwanda (et probablement Goma) comme point d’accès, protégé militairement».
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Ce qui se passe actuellement à Goma et sa régions se déroule sous les yeux et l’acceptation silencieuse des Etats et des organisations qui préconisent partager les principes de «L’Occident des valeurs». L’autocratie de Kagame, ainsi que son rôle néfaste dans la guerre à l’Est du Congo qui dure depuis trente ans, sont soutenus par l’UE aussi. L’Allemagne en prend une première place, pompant année par année des centaines de millions d’Euros dans ce Rwanda dont le régime nourrit cette sale guerre depuis plus de trente ans. La récompense attendue pour l’UE et ainsi aussi pour l’Allemagne c’est un contrat avantageux, conclu au printemps passé avec la direction du Rwanda. Dans ce contrat le Rwanda garantit à l’UE de livrer des matières brutes indispensables pour l’industrie de l’armement et d’automobiles hybrides ainsi que pour la technologie d’ordinateurs et l’armement à haute précision, en premier lieu du cobalt, du lithium et du tantale (coltan), le tout à des conditions avantageuses. •
1Denis Mukwege se réfère au document de l’ONU «Letter dated 27 December 2024 from the Group of Experts on the Democratic Republic of the Congo addressed to the President of the Security Council», Uno-Dokument S/2024/969. Il relate l’échec des efforts de l’Ouganda et de la République démocratique du Congo pour maîtriser militairement la situation sur les différents groupes dits «rebelles».
2 M23 est l’abréviation du Mouvement du 23 mars, nouveau nom du groupe terroriste particulièrement sadique CNDP, dissous le 22 mars 2009. AFC, Alliance Fleuve Congo, est le nom de ralliement d’autres formations rebelles fantômes au service de bailleurs de fonds internationaux agissant discrètement.
«Les parties au conflit doivent se conformer au droit international humanitaire et épargner à tout moment les populations civiles et leurs biens. Elles doivent également prendre toutes les mesures possibles pour minimiser les conséquences humanitaires de leurs opérations militaires», a déclaré François Moreillon, chef de la délégation du CICR en République démocratique du Congo.[…] Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), a déclaré que […] «près d’un demi-million de personnes avaient été déplacées dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu en janvier seulement. Beaucoup de ces personnes avaient fui des attaques violentes, y compris l’utilisation d’artillerie lourde visant des sites de personnes déplacées internes […] Plusieurs sites en périphérie de Goma, abritant plus de 300 000 personnes déplacées, ont été complètement vidés en quelques heures. Le HCR a appelé toutes les parties impliquées dans le conflit à respecter immédiatement le droit humanitaire international et à donner la priorité à la protection des civils, rappelant que la crise humanitaire en RDC n’était pas seulement une préoccupation régionale mais une responsabilité mondiale.»
(CICR, communiqué de presse du 28 janvier 2025, parties mises en relief par Hd.)
«Le bilan macabre des récents combats entre l’armée congolaise et les forces armées rwandaises et leurs supplétifs du M23 dans la ville de Goma se dessine peu à peu. Selon le rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé, au 31 janvier 2025, 773 corps sans vie ont été dénombrés et d’autres jonchent encore les avenues dans un état de décomposition avancé. A ces décès s’ajoutent environ 3000 blessés, sans assistance suffisante et efficace.
Cette horrible boucherie humaine s’ajoute aux statistiques de plus de six millions d’hommes, de femmes et d’enfants tués en trois décennies dans ces guerres sans fin imposées au peuple congolais.
Une fois de plus, la communauté internationale ne dira pas qu’elle ne savait pas. Depuis des années, les rapports de l’ONU soulignent la responsabilité du Rwanda dans l’organisation et la conduite de ces guerres, mais à ce jour, rien de significatif n’a été fait pour mettre fin à ces graves violations du droit international et humanitaire. Au contraire, l’Union européenne et plusieurs pays occidentaux ont maintenu leur coopération avec le Rwanda et continuent à financer indirectement, à coup de millions de dollars, ses expéditions guerrières et meurtrières en RD Congo ainsi que le pillage de ses ressources minières.
Denis Mukwege: Arrêtez les massacres des Congolais, la Paix est possible, extraits, hôpital Panzi Bukavu, www.panzinews, message du 3 février 2025, (partie mise en relief par Hd.)
Des experts estiment que la Coalition AFC/M23 contrôle le commerce et le transport d’environ 120 tonnes de Coltan par mois et que les impôts sur la production et le commerce avec le Coltan des mines de Rubaya apporte aux troupes occupantes au moins 800000 dollars-US par mois. […] nous exigeons de nouveau de la communauté des États de ne plus se contenter à des condamnations superficielles et des mots vides. Il faudrait des sanctions plus graves contre les acteurs de la déstabilisation. Il faudrait prendre des mesures immédiates et catégoriques pour assurer que le Rwanda cesse son soutien du M23 et qu’il retire immédiatement ses troupes du sol congolais.
Il est temps de mettre une fin à cette guerre économique et à l’exploitation illégale et le commerce avec des métaux stratégiques au cœur de l’Afrique.
Denis Mukwege: Arrêtez les massacres des Congolais, la Paix est possible, extraits, hôpital Panzi Bukavu, www.panzinews, message du 3 février 2025, mise en relief hd.
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