«Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.
Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester.»
Martin Niemoeller (1892–1984)
L’histoire de la liberté humaine est longue, pénible et peu réjouissante.
Elle consiste essentiellement à ce que les gouvernements esquivent les lois qui ont été édictées pour limiter leurs licences. C’est le conflit profond entre la liberté personnelle naturelle et les essais de l’Etat de les réduire en s’appuyant sur son pouvoir exécutif.
Les constitutions des pays totalitaires sont pleines de restrictions envers l’Etat mais édentées. L’Etat fait ce que bon lui semble. Il ne prend pas les droits au sérieux.
Dans les démocraties libérales – avec séparation des pouvoirs et contrôle mutuel – l’Etat est théoriquement mis au pas. Mais là aussi, les restrictions se transforment en tigres de papier. Là aussi, l’Etat ne prend pas les droits ausérieux.
Thomas Jefferson était d’avis qu’au cours de l’histoire, la liberté personnelle se réduit et que le pouvoir de l’Etat augmente. Il était notoirement d’avis que seule la révolution provoque un véritable redémarrage.
Toute cette histoire, toute cette théorie s’est manifesté, de manière évidente, ces semaines passées, lorsque la police fédérale a arrêté un doctorant algérien [Mahmoud Khalil] dans son home d’étudiants à l’université Columbia de New York pour le reconduire dans un centre de détention en Louisiane. Il est marié à une Américaine de naissance, ils attendent la naissance d’un enfant en avril. Son statut légal est celui d’étranger avec permis de séjour et de travail illimité.
La semaine dernière, le gouvernement fédéral a arrêté un médecin libanais [le Dr Rasha Alawieh] à l’aéroport Logan de Boston. Le Dr. Rasha Alawieh est professeure de médecine à l’université de Brown. Elle aussi est détentrice d’un statut d’étrangère avec un permis de séjour et de travail illimité.
L’étudiant a été accusé d’avoir enfreint les lois sur l’immigration tandis que la physicienne a été expulsée sans ménagement vers Paris, puis vers son pays d’origine, le Liban.
Les actes d’accusation déposés contre l’étudiant ne l’accusent d’aucune infraction ou faute personnelle, ne citent aucune violation de la loi et ne fournissent aucune preuve que l’étudiant représente un danger pour les personnes, les biens ou le gouvernement.
Les journaux retentissent des déclarations du secrétaire d’Etat américain Marco Rubio qui estime que la présence de cet étudiant sur le campus de l’université de Columbia – étant donné son soutien explicite à l’existence d’un Etat palestinien (la reconnaissance de son existence fait partie de la politique officielle des Etats-Unis depuis des générations) constituerait un obstacle majeur à la mise en œuvre de la politique étrangère américaine.
Dans le cas de la femme médecin, aucune charge n’a été retenue contre elle, mais le gouvernement a fait savoir que des agents fédéraux ont découvert, en confisquant son téléphone portable, qu’elle avait été présente aux funérailles de Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah récemment assassiné. Elle était là avec des centaines de milliers d’autres personnes, peut-être plus d’un million.
Lorsqu’elle a été interrogée à ce sujet, elle a déclaré, selon le gouvernement, qu’elle suivait les enseignements religieux de Nasrallah, mais non pas ses enseignements politiques.
Alors qu’elle était détenue à Logan, ses avocats ont obtenu d’un juge fédéral une ordonnance interdisant son expulsion jusqu’à ce qu’une audience puisse avoir lieu en sa présence. Le gouvernement a ignoré cette injonction.
De nombreux droits atteints
Ces deux arrestations concernent des enfreintes contre de nombreux droits garantis par la Constitution, droits généralement considérés dans nos contrées comme allant de soi.
Le premier est la liberté d’expression (freedom of speech). Grâce aux écrits de James Madison – l’auteur de la Déclaration des droits (The Bill of Rights) – nous savons que les Pères fondateurs considéraient la liberté d’expression comme un droit personnel, individuel et naturel. Elle est en plus explicitement protégée contre les ingérences et les représailles de l’Etat, notamment dans le premier amendement de la Constitution. Il est amplement établi par la juridiction américaine que ce droit protège toute personne – indépendamment de son statut d’immigration – dans sa liberté de penser ce qu’elle veut, de dire ce qu’elle pense, de publier ce qu’elle dit et d’adorer ou réfuter qui ou quoi que ce soit et de s’associer avec qui elle veut.
Au moment où le gouvernement s’arroge le droit de punir l’expression d’une opinion que lui-même ou ses amis et bienfaiteurs détestent et craignent, alors le premier amendement se réduit en formule vide et la démocratie se transforme en farce.
Ces arrestations font également atteinte à la liberté de religion et de réunion. Tout comme l’étudiant peut faire et publier toutes les déclarations politiques publiques qu’il souhaite – peu importe si elles sont offensantes ou provocantes pour son public proche ou lointain – ce médecin est libre d’assister à toute enterrement qu’elle souhaite, se joindre à toutes personnes en deuil de son choix, adopter n’importe quelle religion et suivre n’importe quel prédicateur.
L’objectif du premier amendement garantit en toute évidence un but principal: tenir le gouvernement à l’écart des domaines, essentiellement individuels, de la liberté d’expression, de la religion et de la liberté de réunion. Sans la fidélité absolue du gouvernement à cet article, la démocratie états-unienne se transforme en une sorte de théocratie laïque conformiste qui rejette les valeurs fondamentales protégées par la Constitution – changeant de cap à chaque élection.
Il y a un autre amendement constitutif à la démocratie états-unienne, le cinquième garantissant à chaque résident sur son territoire le droit à une procédure régulière. Cet amendement est également atteint par ces arrestations. En substance, une procédure régulière requiert une audience équitable devant un arbitre neutre – avant que le gouvernement ne soit autorisé à porter atteinte à la liberté personnelle, à la propriété ou la vie, procédure au cours de laquelle le gouvernement doit démontrer et éprouver la présumée culpabilité de la personne accusée.
Dans le cas du médecin, le FBI l’a déplacée à Paris avant que l’audience ne puisse avoir lieu. Dans le cas de l’étudiant de Columbia, le FBI l’a transféré en Louisiane, en pleine enfreinte de la règle constitutionnelle élémentaire selon laquelle toute personne doit être jugée dans la juridiction où les faits se sont déroulés, en l’occurrence à New York.
Que se passe-t-il en ce moment?
En appliquant avec zèle les lois nationales sur l’immigration, le gouvernement actuel est en train de se transformer en instance hors-la-loi. Toujours est-il que tous ceux qui travaillent dans ou pour le gouvernement ont prêté serment d’allégeance à la Constitution. Il est évident que les fonctionnaires fédéraux ne prennent pas au sérieux leur serment. Il est également évident que la police fédérale enfreint les lois que nous l’avons obligée d’appliquer.
Lorsque l’Etat devient violeur de ses propres lois, il s’arroge de représenter lui- même la loi – avec comme résultat que la liberté humaine innée à chaque être humain est foulée des pieds.
Cela ne peut rester sans suite. Qui seront les prochains? •
Source: https://judgenap.com/category/judges-opinions/ du 20.3.2025
Texte reproduit avec la gentille autorisation de l’auteur, tradution de l’anglais Horizons et débats
* Andrew P. Napolitano, juge retr. au Superior Court of New Jersey, a été le chef conseiller d’analyses juridiques auprès de Fox News Channel y ayant animé le podcast «Judging Freedom». Le Juge Napolitano est auteur de sept livres consacrés à la Constitution der Etats-Unis. Le plus récent est Suicide Pact.The Radical Expansion of Presidential Power and the Lethal Threat fo American Liberty. Pour des avertissements plus détaillés sur Judge Andrew Napolitano, se connecter sur www.judgenap.com
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