Jusqu’à quand les Allemands vont-ils tolérer encore d’être manipulés et trompés par leur classe politique?

L’Allemagne après le magouillage cynique pratiqué par l’alliance CDU/CSU, SPD et Verts – unis pour contourner la Loi fondamentale

par Ewald Wetekamp, Stockach (DE)

Comment s’est déroulée le dernier acte de la coalition dite «du feu rouge» en Allemagne? Rappelons donc que le FDP s’est opposé au fonds allemand financé par des milliards de dettes que le ministre de l’économie de l’époque, M. Habeck, voulait mettre en place pour atteindre ses objectifs climatiques. Ce qui a contraint le chancelier Scholz de se soumettre au vote de confiance aboutissant au non et ainsi à la destitution de son mandat. Il a donc fallu organiser des élections anticipées en Allemagne. Entretemps, l’Allemagne a voté en effet. Le CDU/CSU, ivre d’avoir obtenu la majorité des voix, a abondamment fêté cette «victoire», même si ce résultat était, pour la CDU/CSU, le pire (pour la seconde fois), depuis l’existence de la République fédérale d’Allemagne. Lors de la campagne électorale, leur candidat principal, Friedrich Merz, s’était montré généreux à débiter des promesses. Une de ces promesses cruciales réitérées a été le respect du frein à l’endettement, solidement ancré dans la Loi fondamentale. Il ne serait pas touché, rassurait Merz. En raison de consolider le soi-disant «mur de feu» vis-à-vis de l’AfD, évoqué également par Merz, il a su construire le rapprochement du CDU/CSU envers le SPD, apparemment pour forger un contrat de coalition avec eux.

Qu’en est-il de la fiabilité et la bonne foi?

Mais il s’est produit ce qui arrive presque toujours dans les démocraties occidentales: En quoi mes promesses électorales me préoccuperont-elles, une fois les élections passées? Ainsi réflexion faite, M. Merz a aussitôt commencé à laisser tomber, ça et là, qu’il s’engagerait lui aussi, vu la situation internationale menaçante, à supprimer le frein à l’endettement. Mais que s’était-il donc passé du jour au lendemain? Quelles sont les raisons de ce revirement criant de M. Merz, revirement qui lui ouvrit la porte envers son futur partenaire de coalition, le SPD, agent du chancelier? Selon le «nouveau» M. Merz, l’Allemagne aurait besoin d’un fonds spécial atteignant le chiffre inouï de 500 milliards d’euros pour la remise en état et le développement de l’infrastructure. Dans ce raisonnement, l’armée allemande est un autre parent pauvre, actuellement en état lamentable. Elle n’est pas en mesure de remplir sa mission de défense nationale, ni dans le domaine de son équipement ni dans celui de son personnel. Pour remédier à cette situation, Merz soutient que le frein à l’endettement doit être suspendu au profit d’un réarmement allemand en bonne et due forme. Pour cela, une autre tranche de 500 milliards supplémentaires est donc à débloquer, montant à dimension fantaisiste comme le premier mais dorénavant disponible par le bâton magique de la suppression du frein à l’endettement – et ce, dans l’avenir, à répétition selon besogne…

Un dilemme artificiel
du candidat à la chancellerie

Le candidat à la chancellerie Merz est confronté à un dilemme. Son niveau de voix atteintes est très faible. Pour devenir chancelier, au Bundestag, il aura besoin des voix du SPD. Mais sans nécessité extérieure, il s’est mis dans des difficultés encore plus troublantes. Au cours de l’ancienne législature, Merz voulait faire passer un amendement à la Loi fondamentale au Parlement. Là aussi, cette modification de la loi fondamentale avait requis la majorité des deux tiers. Cette fois-ci, Merz avait besoin des voix des Verts. Il ne s’en faisait pas beaucoup. Du coup, son ancienne devise comme figure de proue de la CDU/CSU, son «jamais avec les Verts» s’est aussitôt transformé en un cadeau de cent milliards à l’attention des Verts. Lors de la lecture de la nouvelle loi au Bundestag, un autre «cadeau» a été fait aux Verts: l’inscription des objectifs climatiques des Verts dans la Loi fondamentale. C’est pourtant du jamais vu en Allemagne, le fait que des objectifs partisans issus dans le débat politique se trouvent inscrits dans la Loi fondamentale. Ils n’y appartiennent pas se trouvant soumis comme lois réelles au procès de législation du Parlement.
    Le groupe des Verts avait donc de quoi jubiler – sans le moindre effort de sa part, il avait obtenu plus que du temps de la coalition tripartite. Ce ne fut possible que parce que c’était eux à faire pencher la balance, c’est-à-dire que sans ces concessions extorquées aux Verts, il aurait précisément manqué à M. Merz ces voix décisives par rapport à la modification de la Loi fondamentale. Quel odieux marchandage! On ne peut traiter l’électeur de manière plus irrespectueuse!
    Lors de la votation au Bundestag allemand, le vote manifeste des électeurs allait dans une toute autre direction. La somme débloquée après, mentionnée ci-dessus, atteint le montant vertigineux de près de mille milliards d’euros. Elle est et reste à la charge de nous autres, simples contribuables. Une telle montagne de dettes fait grimper les intérêts ainsi que l’inflation. Ce qui nécessite un effort hors du commun en période de prospérité économique déjà, effort qui n’est plus possible en période de désindustrialisation, de délocalisation des entreprises, d’effondrement des classes moyennes et d’augmentation des faillites privées. Ce projet chimérique soulève donc tout particulièrement la question centrale de la constitution financière allemande. Mais il n’y a pas de débat à ce sujet. Ce n’est pas un hasard si un journal russe a titré avec dérision: «Le nouvel Chancelier allemand s’appellera Monsieur BlackRock!»

Le oui du Bundestag
ne repose pas sur une majorité réelle

Le frein à l’endettement est ancré dans la Loi fondamentale. Si l’on veut le supprimer, il faut une majorité de deux tiers. Pour la modification de la loi fondamentale, il fallait, selon la conspiration en cours, faire vite, non pas sur le fond, mais en raison de la fin de la législature du gouvernement sortant. Faire procéder à une modification de la Loi fondamentale pendant cette période de transition par un gouvernement déchu, à l’initiative du chef de l’opposition au Bundestag allemand, est un manque de respect envers la légitimité démocratique du nouveau Bundestag, une minable magouille. De telles pratiques n’étaient pas courantes jusqu’à présent. En effet, selon les voix critiques qui s’annoncent, si l’ancien parlement légiférait après les élections, les nouveaux députés seraient lésés dans leur droit de décision. Le principe de légitimité démocratique exige en principe que toutes les décisions qui peuvent être reportées soient laissées au nouveau Bundestag représentant la nouvelle légitimité - déjouée dès le début par la politique politicienne ayant gravement échoué lors des votations.
    Le SPD, les Verts et la CDU/CSU ont fait valoir que la modification de la Loi fondamentale était une décision urgente ne permettant pas d’être reportée, car nous nous trouverions, répètent-ils, dans une situation d’urgence exceptionnelle. C’est pourquoi, selon eux, la modification de la loi fondamentale devait être décidée avant la fin de la législature. Plus tard, les responsables parleront sans doute de «mensonge d’urgence». Compte tenu du fait que le CDU/CSU, le SPD et les Verts ne disposent plus d’une majorité des deux tiers au Bundestag nouvellement élu, il s’agit en réalité de mensonge et de tromperie préméditée.

Corruption sur toute la ligne

La majorité des deux tiers, contraignante au sein du Parlement encore en place a dû être achetée, par la CDU/CSU, au prix d’incroyables concessions au SPD et aux Verts. Merz l’a fait et agit à nouveau contre la volonté des électeurs. Comme si la confiance n’avait pas été suffisamment érodée et abusée, la nomination de l’ancienne ministre allemande des Affaires étrangères Baerbock, qui a lamentablement échoué, comme future présidente de l’Assemblée générale de l’ONU est venue s’ajouter comme dernier acte de dérision envers les électeurs. La diplomate de haut niveau et respectée Helga Schmid, qui était en fait la candidate à cette fonction, en est pour ses frais.
    Après le vote du Bundesrat sur la modification souhaitée de la Loi fondamentale avec tous les fonds spéciaux et la suppression du frein à l’endettement pour faire avancer l’armement, il n’a fallu que 24 heures au Président fédéral Frank-Walter Steinmeier pour signer la loi. On aurait pu s’attendre à autre chose de la part de sa fonction de l’un des plus grands protecteurs de la Loi fondamentale. Mais la séparation des pouvoirs s’est érodée depuis très longtemps en Allemagne. Cela a également été observé lors de la saisie de la Cour constitutionnelle fédérale. Les demandes d’urgence visant à empêcher le projet de loi n’ont pas été acceptées, la modification de la Loi fondamentale a été approuvée. Qui s’en étonnera, puisque la Cour suprême allemande est un organe politiquement composé, dans lequel il n’est pas rare que l’appartenance à un parti ou la proximité avec un parti aient plus de poids que les compétences juridiques en matière de droit public. Tout cela détruit la confiance des électeurs, pas seulement celle des électeurs de la CDU/CSU. La tendance dominicale, relevée entre le 17 et le 21 mars 2025, montre déjà des signes clairs: Union et SPD perdent un pour cent, l’AfD progresse d’un pour cent.
    L’électeur a misé sur un changement de politique, et ce avec l’élection de Merz comme candidat à la chancellerie. Il est trompé sur toute la ligne. Car dans ce cas, tout continue comme avant. Le changement de politique choisi est refusé. L’Allemagne s’enlise dans un marécage de dettes, perd de manière flagrante sa puissance économique et perd sa fonction de moteur économique de l’UE.

Tambours de guerre
en Allemagne et dans toute l’UE

La crise climatique hautement stylisée a été mise en scène avec une polarisation aiguë. Dans la pandémie, les peurs des gens ont été attisées jusqu’à l’hystérie. Dans les deux cas, la science a abdiqué ou a été érigée en une sorte de nouvelle religion. Ce ne sont pas les faits, mais la bonne attitude et la bonne croyance qui ont été postulées et bien souvent imposées. L’aggravation de l’antagonisme social à cette époque semble être devenue le précurseur de l’hystérie guerrière pratiquée au Bundestag. Pour toutes les exigences formulées par la CDU/CSU, le SPD et les Verts, qui génèrent près de mille milliards de dettes, l’immense menace qui, selon eux, émanerait de Poutine et de la Russie, a été instrumentalisée de manière grotesque.
    Tout cela semble avoir été bien préparé.Baerbock a parlé d’une guerre entre l’Allemagne et la Russie. Manfred Weber, homme politique de la CSU, président du parti et du groupe PPE au Parlement européen, demande que notre attitude comme Européens soit transformée en «aptitude à la guerre».
    L’armée allemande conseille aux organisations humanitaires allemandes de se préparer à la guerre. A Cologne, on prévoit déjà de transformer un parking souterrain en unité de soins intensifs en cas de catastrophe ou de guerre. Rheinmetall, une entreprise d’armement en Allemagne, envisage de reprendre des usines VW désaffectées, comme par exemple à Osnabrück, pour y produire des chars. Les actions de Rheinmetall et d’autres entreprises d’armement s’envolent. Le patron de Rheinmetall, Armin Papperger, parle d’un super-cycle conjoncturel dans le secteur de l’armement.
    Joseph Fischer, ancien ministre allemand des Affaires étrangères et membre du Parti vert, plaide pour la réintroduction du service militaire obligatoire pour les hommes et les femmes. L’Union européenne a adopté un programme de défense ambitieux lors de son sommet de printemps. D’ici 2030, 800 milliards d’euros doivent être investis dans le renforcement militaire de l’Europe. L’Allemagne doit contribuer à 25% de cette somme. Cela représente encore 200 milliards.
    Tous ces appels et ces prises de position visent-ils uniquement à détourner l’attention de toutes les situations d’urgence de politique intérieure en Allemagne ou dans l’UE, dont nous avons effectivement une quantité incalculable? Ou s’agit-il de la poursuite de vieux plans géostratégiques que les élites anglo-américaines ont toujours poursuivi?

Ce à quoi cela aboutira

La bonne foi est le fondement de toute société. Aucune société organisée politiquement ne peut s’en passer. Toute force qui aspire à rien d’autre qu’au pouvoir est un poison corrosif qui tente, par une hystérie guerrière propagandiste, d’étendre ses effets à la population tout entière. Il reste à espérer que cette orientation soit vouée à l’échec. Le nouveau Bundestag vient tout juste d’être constitué, le contrat de coalition n’est pas encore signé. Le chancelier n’est pas encore élu et le cabinet n’est pas encore désigné. Le temps qui nous sépare de Pâques nous dira si nous y parviendrons. La déclaration de Friedrich Merz lors de la conférence des lecteurs du «Frankfurter Allgemeine Zeitung», le 21 mars 2025, montre qu’une toute autre issue est possible: «Si nous n’y parvenons pas [il s’agit du contrat de coalition], ma carrière sera de toute façon terminée, et ce à un moment où je pourrai le gérer». Et ensuite, quid pour l’Allemagne?

L’Allemagne en l’an 2025

Le fait de brandir la Loi fondamentale lors de manifestations a été puni des autorités dominantes. La critique des politiciens a été érigée en délit comme une non-légitimation de l’Etat. Cela a souvent conduit à des perquisitions du petit matin. Mais un manquement flagrant à une promesse électorale, avec pour conséquence l’immense charge d’endettement interminable des citoyens allemands, pour des générations, au mépris délibéré de la légitimité démocratique du Bundestag nouvellement élu – reste pour l’instant sans conséquence pour une classe politique compromise par le mensonge et le magouillage. •


«Je vous prie de revenir à la raison»

Une lettre d’Heinrich Wohlmeyer au gouvernement de la République d’AutricheEin Brief von Heinrich Wohlmeyer an die Regierung der Republik Österreich

Monsieur le Chancelier,
Madame la Ministre des Affaires étrangères,
Madame la Ministre de la Défense

Petit-neveu de Julius Raab, âgé de 89 ans, j’ai donc vécu la Seconde Guerre mondiale ainsi que notre chemin vers la liberté. Votre incitation à la guerre et votre politique d’endettement à cet égard me consternent grandement. En partageant les angoisses diffusées vous faites preuve d’affiliation avec l’industrie de guerre.
    Les Russes affrontent suffisamment de problèmes dans leur propre pays et n’ont aucun désir d’expansion. Mais «l’Occident» les provoque jusqu’au sang… et nous hurlons avec lui.
    Je vous prie, en tant que citoyen de ce pays, de revenir à la raison et de prendre note des voix éclairantes comme celles de Jacques Baud et du Professeur Jeffrey Sachs […]. Le «livre d’adieu» de Hugo Portisch intitulé «Russland und wir» (La Russie et nous) mérite également d’être lu.

Votre inquiet Heinrich Wohlmeyer

(Traduction Horizons et débats)

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