Jusqu’à quel point la politique est-elle devenue folle?

Jusqu’à quel point la politique est-elle devenue folle?

Le gouvernement prépare une mission de guerre en Syrie, le Bundestag applaudit une accusation absurde de fascisme en se mettant debout, et une étrange campagne s’élève contre le président de l’Office fédéral pour la protection de la Constitution

par Karl Müller

Trois événements survenus au cours des deux dernières semaines ont mis en lumière la situation politique intérieure de l’Allemagne. Il n’est pas nécessaire de commenter ces événements en détail, ils parlent d’eux-mêmes. Y reconnaître un sens n’est point facile. On pourrait parler de symptômes de déclin, d’une situation grotesque pour l’Allemagne et les Allemands.

«Le souhait du ministre fédéral de l’Intérieur de faire de Hans-Georg Maassen son secrétaire d’Etat, était certainement également un signal politique. Les réactions des parties intéressées ont donc été très violentes. Trois jours seulement après la rencontre du groupe de la coalition, l’accord du 18 septembre n’était plus que maculature, … et la lutte au sein du gouvernement concernant la politique future continue. La partie intéressée ne fait aucun cadeau et utilise tous les moyens pour frapper l’adversaire.»

Le 10 septembre 2018, le journal «Bild» a rapporté en détails que le ministère allemand de la Défense étudiait comment l’Allemagne pourrait participer à des actions militaires aux côtés des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France contre le gouvernement syrien, en cas d’utilisation d’agents chimiques de combat à Idlib. Le gouvernement américain avait demandé à l’Allemagne de participer à la mission. Comme en 1999 lors de la guerre d’agression de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie contraire au droit international, les avions allemands Tornados pourraient à nouveau prendre part aux bombardements. L’approbation du Bundestag allemand, nécessaire selon la loi sur la participation parlementaire, pourrait alors être obtenue aussi à posteriori.
Les rapports concrets du gouvernement russe, selon lesquels un tel usage d’arme chimiques était en préparation par les combattants d’Idlib afin de provoquer une attaque de la Syrie de la part des Etats-Unis et leurs alliés, n’ont pas été mentionnés. Le 12 septembre 2018, lors du débat au Bundestag, la chancelière a également défendu les préparatifs bellicistes allemands et s’est retournée contre les critiques qu’ils ont suscitées – alors qu’en avril 2018, elle avait encore défendu l’avis contraire, et alors que plus de 70% des Allemands interrogés lors d’un sondage récent se sont prononcés contre une telle mission de guerre.

Les plans de guerre allemands violent le droit international et la Loi fondamentale

Le jour même où le journal «Bild» rendait compte des plans du ministère de la Défense, le service scientifique du Bundestag allemand – une commission scientifique non partisane assignée au Parlement – a publié un rapport de 10 pages soulignant une fois de plus qu’une telle mission de guerre allemande n’est ni compatible avec le droit international ni avec la Loi fondamentale allemande. Le rapport souligne également que les opérations de guerre entreprises précédemment par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France en Syrie étaient également contraires au droit international. Le 12 septembre, La chancelière a également omis de mentionner cette expertise.
Quelques jours plus tard, le service scientifique du Bundestag a présenté une seconde expertise soulignant qu’il était également illicite d’ordonner une éventuelle opération militaire allemande en Syrie sans l’aval préalable du Bundestag.
Il est peu probable que les menaces de guerre allemandes aient contribué à ce que les présidents russe et turc, puis le gouvernement syrien, se soient mis d’accord le 17 septembre sur une zone démilitarisée à Idlib et que la grande bataille d’Idlib ait pu être évitée pour le moment.

Débats au Bundestag du 12 septembre

Le 12 septembre 2018, le Bundestag allemand a débattu du budget fédéral pour l’année 2019. Lors des délibérations sur le budget de la Chancellerie fédérale – traditionnellement un débat de fond sur la politique du gouvernement fédéral – Alexandre Gauland, chef du groupe parlementaire Alternative pour l’Allemagne (AfD), a également pris la parole et a critiqué la politique de la Chancelière. Gauland s’est référé à la déclaration du ministre fédéral de l’Intérieur Horst Seehofer qui avait, quelques jours auparavant, déclaré que la migration était la «mère de tous les problèmes».
Gauland a souligné qu’il était contradictoire que le gouvernement fédéral affirme d’une part vouloir combattre les motifs de fuite, tout en provoquant d’autre part de nouveaux problèmes et de nouvelles causes de fuites par une mission de guerre allemande en Syrie. En outre, il existe également le danger d’une confrontation directe avec la Russie. La mission de la Bundeswehr en Afghanistan n’a pas réduit le nombre élevé de migrants en provenance d’Afghanistan, bien au contraire.
Gauland s’est prononcé contre la poursuite de l’immigration en Allemagne en provenance de pays tiers sûrs et a posé la question (rhétorique) de savoir qui mettait en danger la sécurité intérieure en Allemagne. Il a énuméré les crimes violents quotidiens commis par des migrants et a critiqué les réactions officielles suite au meurtre d’une personne à Chemnitz.
Finalement, il a parlé de la réaction de la Chancelière suite aux événements de Chemnitz. Angela Merkel avait parlé d’«attroupements» [«Zusammenrottungen»] et avait ainsi utilisé un terme du droit pénal de la RDA qui était à l’époque dirigé contre les protestations citoyennes.

«De telle figures apparaissent toujours quand il s’agit de produire les images désirées»

Gauland a décrit les personnes ayant lancé des slogans d’extrême droite et fait le salut hitlérien comme des «idiots agressifs», ne représentant en aucun cas les manifestants de Chemnitz. A ses opposants, qui l’ont interrompu pour prétendre que ces extrémistes de droite émanaient de l’AfD, il a répondu: «Ceux qui crient ‹étrangers dehors› et ceux qui font le salut hitlérien sont le meilleur espoir pour vous, Mesdames et Messieurs de l’establishment politico-médiatique. Si ces idiots et ignorants n’existaient pas, si les citoyens normaux étaient seuls à manifester, ce serait un désastre pour vous. De telle figures apparaissent toujours quand il s’agit de produire les images désirées.»
L’événement le plus grave, a poursuivi Gauland, était l’acte sanglant de deux requérants d’asile, et non pas les manifestations qui ont suivi. Le gouvernement fédéral a versé de l’huile sur le feu lorsque la Chancelière et le porte-parole du gouvernement ont parlé de «chasse à l’homme» envers des étrangers au lieu d’écouter les citoyens. En vérité, il n’y a pas eu de chasse à l’homme à Chemnitz, ce qui a été confirmé par le procureur général et le premier ministre de la Saxe, puis également par le président de l’Office fédéral pour la protection de la Constitution.

Accusation de fascisme

Après Alexander Gauland, Martin Schulz, député du SPD et ancien candidat du parti à la Chancellerie fédérale, a demandé la parole pour émettre un commentaire. Il a reproché à l’AfD de réduire des questions complexes à un seul sujet, c’est-à-dire de transformer une minorité en problème pour tout le pays. Cela serait «un moyen traditionnel du fascisme». Et Schulz de continuer en disant que le Bundestag venait d’en avoir la preuve, car le débat actuel pouvait être comparé à celui de la phase finale de la République de Weimar, ou «les démocrates de ce pays» devaient se défendre. Schulz a conclu son intervention en affirmant que Gauland et l’AfD n’avaient leur place que sur le «tas de fumier de l’histoire».
On ne sait pas si cette intervention de Schulz était inspirée de celle de l’ancienne secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright, qui, dans son dernier livre, paru dans divers pays du monde, dont les Etats-Unis et l’Europe, croit reconnaître les signes d’une résurgence du fascisme et donc, elle a ouvert le front «bourgeois» de l’extrême gauche «antifasciste». Néanmoins, Schulz a reçu des «standing ovations» pour ses paroles. Dans le procès-verbal de la séance, il est mentionné que: «Les membres du SPD, de la gauche et de l’Alliance 90/Les Verts se lèvent de leurs sièges.» Le commentaire du Deutschlandfunk mi privé mi public à loué Martin Schulz et était intitulé: «Un grand moment au Parlement».

Campagne conte le Président de l’Office fédéral pour la protection de la Constitution … et contre le ministre fédéral de l’Intérieur

Selon un accord conclu par un groupe de la coalition (réunion des présidents de la CDU, de la CSU et du SPD) le 18 septembre 2018, le président actuel de l’Office fédéral pour la protection de la Constitution, Hans-Georg Maassen, devait être démis de ses fonctions précédentes et obtenir la fonction de secrétaire d’Etat au ministère fédéral de l’Intérieur.
Dans une interview avec le journal «Bild» du 6 septembre, Maassen avait pris une position différente de celle de la chancelière allemande (cf. Horizons et débat no 21 du 17/9/18). Les déclarations de Maassen avaient été suivies d’une campagne à son encontre, à laquelle ont participé avec grand engagement de nombreuses personnalités politiques, notamment du SPD, ainsi que presque tous les grands médias. La question de savoir si Maassen avait raison dans ses déclarations n’a joué qu’un rôle secondaire. D’autres accusations ont obtenu davantage de poids : Maassen aurait été déloyal envers la chancelière, Maassen aurait parlé avec des politiciens de l’AfD quelque temps auparavant, et serait opposé à la politique migratoire de la chancelière.
Le souhait du ministre fédéral de l’Intérieur de faire de Hans-Georg Maassen son secrétaire d’Etat, était certainement également un signal politique. Les réactions des parties intéressées ont donc été très violentes. Trois jours seulement après la rencontre du groupe de la coalition, l’accord du 18 septembre n’était plus que maculature, … et la lutte au sein du gouvernement concernant la politique future continue. La partie intéressée ne fait aucun cadeau et utilise tous les moyens pour frapper l’adversaire.    •

Pour la sauvegarde de la liberté d’expression

Déclaration de la Haute-Lusace 2018 de l’initiative citoyenne «Die 89er»

gl. La Haute-Lusace est la région située dans l’extrême sud-est de l’Allemagne, située dans le triangle frontalier de l’Allemagne, de la République tchèque et de la Pologne. Görlitz, la plus grande ville, a été divisée en 1945 en une partie allemande et polonaise, à l’est de la Neisse. Aujourd’hui, la ville, riche en monuments, est magnifiquement restaurée. Depuis 2004, une passerelle piétonne moderne traverse la Neisse et emmène le promeneur à Zgorzelec en Pologne.
Déjà à l’époque de la RDA, la Haute-Lusace, plus encore que la Saxe dans son ensemble, était considérée comme particulièrement indépendante. La télévision occidentale y était hors de portée, on y vivait dans la vallée dite des «insouciants», ce qui était peut-être avantageux, selon la perception d’aujourd’hui.
Actuellement, de nombreux habitants reconnaissent en Haute-Lusace et en Saxe des parallèles entre les conditions politiques actuelles de l’Allemagne réunifiée et celles de l’ancienne RDA. Ils revendiquent le droit à la liberté d’expression.
La déclaration ci-dessous sera soumise avec les signatures recueillies, avant le 29 septembre 2018, au représentant du district de Bautzen, au Premier ministre de la Saxe et aux représentants des médias régionaux et de droit public.

Qui sommes-nous?

Dans le groupe «Die 89er», des citoyens de notre patrie se sont réunis pour affirmer les valeurs de la liberté d’expression et de la précieuse culture du dialogue, des valeurs ayant marqué le tournant pacifique de 1989.

Que voulons-nous?

Nous revendiquons la fin de la présentation négative de notre région natale, la Haute-Lusace, et de ses habitants par une minorité. Nous attendons des reportages objectifs sans jugements de valeurs, notamment de la part des médias régionaux et des institutions médiatiques de droit public. Les représentants du district administratif, le maire et les représentants de la Haute-Lusace dans le Landtag et le Bundestag doivent clairement prendre position à ce sujet.
En outre, nous appelons toutes les institutions à œuvrer en faveur de la préservation de la liberté de réunion et de la libre parole conformément à l’art. 5 de la Loi fondamentale.

Déclaration de la Haute-Lusace

Nous sommes profondément préoccupés par la rapidité avec laquelle la scission de la société progresse. De nouvelles formes de dénonciation et de calomnie en sont responsables. Des citoyennes et citoyens vivant au centre de notre société se voient soudainement attaqués, diffamés et calomniés par une petite clique parce qu’ils contestent et critiquent les conditions régnant dans notre région. Sous la fausse étiquette de la «lutte pour la démocratie et la tolérance», ces valeurs ne sont pas seulement considérées comme absurdes, mais systématiquement combattues. Le choix incendiaire des paroles utilisées par ces démagogues dans les réseaux sociaux, sur Internet, mais également dans les médias régionaux a dépassé les limites du tolérable. Il est inacceptable que des personnes soient discriminées suite à leurs convictions politiques et qu’on appelle à leur exclusion de la société. Notre peuple a déjà vécu cela à deux reprises, avec grande peine. Nous considérons qu’il est de notre devoir de nous opposer à ces processus, afin de mettre un terme à l’idéologisation que l’on croyait dépassée depuis 1989.

Premiers signataires
Ingo Frings (avocat, FSV Budissa Bautzen), Christian Haase, Ingolf Schön (entrepreneur), Tobias Hellebrand (dentiste), Lutz Keller (SV Bautzen), Rolf Lehmann, Lutz Neumann (maître boulanger), Frank Peschel (rédacteur au «Bautzener Bote»), Katrin & Dietmar Förster (pharmacie Oppach), Michael Ubl (marchand), Steffen Schmidt (broker), Dirk Manitz (entrepreneur)

Notre initiative est soutenue par Willy Wimmer (ancien secrétaire d’Etat, membre du Bundestag allemand 1976–2009).

Points de récolte des signatures à Bautzen:

Reifencenter Schön (Neusalzaer Str. 9), Hentschke Bau (Zeppelinstr. 15), Boulangerie Neumann
(Ziegelstr. 1), Boulangerie Jacob (Wilthener Str. 11), Hotel Residence (Wilthener Str. 32), Holzwurm SpielundZeug (Kornmarkt 4b)

Points de récolte dans la région:

Schwanen-Apotheke (Str. der Jugend 1, Oppach), Fitnessclub Prima Klima (Guttauer Landstr. 15a, Malschwitz), Kauf&Verkauf Kühn (Kamenzer
Str. 3, Bischofswerda). Des points de récolte
supplémentaires seront ajoutés et indiqués.

(Traduction Horizons et débats)

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