En temps de guerre, tout est à l’envers

km. Dans la page «opinions»  du «Kölner Stadt-Anzeiger»  du 27 février 2023, Erik Flügge, auteur de best-sellers et membre du parti social-démocrate allemand, a écrit le passage suivant qui mérite notre attention: «Le fait que les critiques des livraisons d’armes ne trouvent pas de représentation politique au centre est dangereux pour la démocratie. [...] Des personnes qui n’ont jamais changé leurs convictions se retrouvent soudainement marginalisées. ‹Pas de livraison d’armes dans les zones de guerre› – il y a douze mois, c’é tait encore la raison d’Etat de l’Allemagne. Aujourd’hui, c’est une position qui n’est défendue publiquement que dans les marges de notre vie politique».
    Le constat inquiétant d’Erik Flügge ne se limite pas aux voix s’opposant aux livraisons d’armes allemandes à l’Ukraine. Qu’est-ce qui empêche d’é largir sa réflexion?
    Ceux qui parlent depuis longtemps du fait que l’OTAN n’a pas tenu ses promesses envers la Russie de ne pas s’é tendre en direction de la frontière russe sont marginalisés, eux aussi. Tout comme ceux qui soulignent que les Etats-Unis et leurs alliés ont mené leurs «guerres illégales» au cours des 30 années passées afin d’imposer leur prétention à être et à rester «la seule puissance mondiale», et ceci d’une manière qui mettait en danger la paix mondiale; ce qui les a mené à ne pas considérer d’autres Etats puissants comme la Russie et la Chine comme leurs égaux. Dans l’Allemagne d’aujourd’hui, on marginalise également ceux qui soulignent que la guerre en Ukraine n’a pas commencé en 2022, mais dès 2014. Il est donc important d’insister sur le fait que dans cette guerre, une grande part de responsabilité incombe au gouvernement central de Kiev; il ne faut pas oublier les 14 000 morts, bilan accablant de victimes des années précédant cette guerre, majoritairement d’origine russe et ceci donc avant le 24 février 2022. Ceux qui, dans le contexte de cette guerre, soulignent les motivations racistes des «russophobes» en Ukraine sont marginalisés, eux aussi. Il en va de même pour ceux qui dirigent notre attention sur le fait que c’é taient les Etats-Unis et leurs alliés qui ont incité politiquement, financièrement et militairement cette politique de guerre du gouvernement et des nationalistes ukrainiens. Ainsi que pour ceux qui soulignent que les accusations d’atrocités perpétrées contre «l’ennemi» sont malheureusement monnaie courante en temps de guerre, pour des raisons de propagande, et que, par conséquent, la présomption d’innocence jusqu’à  preuve du contraire indubitable reste particulièrement importante. Et finalement, on marginalise ceux qui, pour toutes ces raisons, refusent de parler d’une «guerre d’agression non provoquée» et «brutale», commencée par la Russie.
    Toutes ces personnes «se retrouvent soudainement marginalisées». Cela va jusqu’à  des poursuites pénales. Lors de la manifestation pour le «Manifeste»  de Sahra Wagenknecht et Alice Schwarzer, le 25 février à Berlin, le représentant des responsables de la manifestation a commencé par lire un long texte sur tout ce que les autorités interdisaient  lors de cette manifestation. C’é tait une longue liste dont les points ne concernaient pas seulement le port d’armes ou les appels à la violence, mais allaient baucoup plus loin. Voilà où en sont nos libertés d’expression et de réunion, dans l’Allemagne d’aujourd’hui.
    Il est donc important de nous demander pourquoi des personnes qui ont été et sont de bons citoyens du point de vue de leur parcours biographique sont «marginalisées»  à ce point, alors qu’elles prennent au sérieux la Loi fondamentale et vivent les droits fondamentaux. Cette question va de pair avec celle liée à l’é tat dans lequel se trouve l’Allemagne actuelle, sa politique et sa vie publique.
   Par le passé, de nombreuses personnalités publiques ont montré du doigt le fait que tout ce qui était revêtu de valeur fondamentale en temps de paix ne semble plus être valable en temps de guerre. Il y a plus de 50 ans, je me souviens que nous avons lu «La mère Courage» de Bertolt Brecht en classe, en tant qu’é lève dans un lycée allemand. Là déjà, les valeurs en temps de guerre et celles qui ravageaient les êtres humains étaient un thème central. Il est très probable que la marginalisation de bons citoyens allemands soit intimement liée au fait que l’Allemagne se trouve effectivement en guerre, dans les faits. Annalena Baerbock l’a dit ouvertement à Bruxelles – toute tentative de le nier n’y change rien. Mais prétendre que cela aurait quelque chose à voir avec la liberté et la démocratie est autant mensonger qu’ éhontée. •

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